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FAUT-IL ENCORE DECENTRALISER ?

 

La dŽcentralisation contre le libŽralisme.

par Roland Hureaux, paru dans "Le Débat", mars 2003

Peu de dŽbats apparaissent en France aussi biaisŽs par des stŽrŽotypes dÕun autre ‰ge que celui de la dŽcentralisation.

LŌeffet principal de la RŽvolution franaise aura ŽtŽ moins de nous laisser un hŽritage centraliste , dit jacobin,  que dÕenfermer la question de lՎquilibre des pouvoirs entre le centre et la pŽriphŽrie dans des schŽmas simplistes, largement  obsoltes aujourdÕhui et qui paralysent  la rŽflexion.

Le principal de ces  schŽmas, qui eut sans doute quelque pertinence au XIXe sicle mais ˆ qui il nÕen reste  plus gure , est celui dÕ un modle dÕEtat  centralisŽ , destructeur des corps intermŽdiaires , dont  on somme de manire incantatoire nos concitoyens de se dŽbarrasser tout en laissant supposer quÕil sÕagit lˆ dÕun vice national inguŽrissable. Mme si Tocqueville nous a appris que le centralisme rŽvolutionnaire ne faisait quÕachever celui de  lÕAncien rŽgime, et si cÕest dÕabord ˆ NapolŽon Bonaparte que nous devons  nos institutions centralisŽes ( les hommes de 1793 nÕayant fait  que gŽrer , ˆ leur manire ,  odieuse, une situation dÕurgence) , cet Etat est communŽment qualifiŽ de jacobin . 

 

En face, est posŽ le modle antithŽtique , toujours rvŽ mais jamais atteint , dÕun Etat libŽral , dŽcentralisŽ , et mme  fŽdŽral , se rŽfŽrant tant™t ˆ lÕhŽritage dit girondin , tant™t aux communautŽs organiques , provinciales et corporatives ,  dÕAncien rŽgime dont Maurras - qui nÕavait rien dÕun  libŽral -  a fait lÕapologie. Les deux courants, trs diffŽrents ˆ lÕorigine,  le girondin et le maurrassien,  ont confluŽ au milieu du XXe sicle dans une pensŽe dŽmocrate-chrŽtienne ˆ la fois organiciste et  dŽcentralisatrice  dont lÕinfluence survit au dŽclin des religions . Pour les tenants de cette philosophie,  le principe de subsidiaritŽ (que pourtant  aucun  pontife  nÕa jamais proclamŽ ex-cathedra (1) )  semble tre tenu pour  un dogme aussi capital que la TrinitŽ !     La pensŽe catholique a ŽpousŽ dÕautant plus volontiers la dŽcentralisation que lÕEglise de France avait  au cours du XIXe sicle  , en haine du jacobinisme , fait cause commune avec  les rŽgionalismes   basque, breton ou  occitan ( alors mme quՈ lՎpoque de la  Contre-RŽforme,  le clergŽ tendait plut™t ˆ franciser les paysans, comme le feront plus tard les Ē hussards noirs Č de la RŽpublique  ). Quand le gŽnŽral de Gaulle proposa en 1969  de dŽcentraliser , on y vit ˆ juste titre un  retour ˆ son  inspiration de jeunesse, catholique et monarchiste . Mais le  rayonnement de cette philosophie alla encore plus loin. Le dogme de la subsidiaritŽ  Š h‰tivement identifiŽ ˆ la dŽcentralisation et au rŽgionalisme Š   trouva ˆ partir de 1981 un terrain dÕatterrissage imprŽvu au parti socialiste , gr‰ce ˆ Franois Mitterrand et Jacques Delors , au moment o  la Ē deuxime gauche Č issue des milieux catholiques post-conciliaires  plus ou moins dŽchristianisŽs , venait renforcer  les rangs clairsemŽs de la vieille gauche la•carde et Žtatiste. Comme aurait dit Nietzsche , on ne croit plus en Dieu mais on croit encore aux conseils rŽgionaux ! JusquՈ faire douter  que Richelieu et Colbert aient ŽtŽ  de bons chrŽtiens.

 La subsidiaritŽ fut mme , comme notre blŽ, exportŽe en Europe , allant jusquՈ tre inscrite Š et mme dŽfinie - dans le traitŽ de Maastricht (2) . LÕEurope offrait,  il est vrai,   une sorte dÕ Ē alliance de revers Č ˆ ceux qui espŽraient , gr‰ce ˆ elle , prendre leur revanche dÕun coup sur  Robespierre, Jules Ferry et Emile Combes. Etre libŽral , cՎtait ˆ la fois tre pour les pouvoirs locaux, pour le pouvoir supranational europŽen, pour le modle anglo-saxon (que tout cela soit ou non compatible est une autre question) , pour tout ce quÕon voudra pourvu quÕon fut contre lÕEtat rŽpublicain  impie et guillotineur . 

Au terme de cette vision , une dŽmonologie, dŽnonant le centralisme comme la source unique du Ē mal franais Č (3) . 

 

Un centralisme bien tempŽrŽ

 

Si nous pensons nŽanmoins quÕune telle vision est obsolte , cÕest que  beaucoup dÕeau  a coulŽ sous les fentres du prŽfet de la Seine depuis le Consulat et quÕon  ne saurait perdre de  vue tout ce qui , en deux sicles ,  est venu tempŽrer , voire inverser  le modle instituŽ ˆ lՎpoque de la RŽvolution et de lÕEmpire  . Un des effets de ce renversement est la restauration dÕ un corporatisme de droit ou de fait  unique dans le monde occidental ( en dehors de lÕAllemagne)  . Ce corporatisme se marque par exemple au poids institutionnel et financier des chambres consulaires , financŽes par des prŽlvements obligatoires , sans Žquivalent dans le monde anglo-saxon (o Chamber of Commerce signifie seulement un syndicat patronal auquel  lÕadhŽsion est facultative ) , au poids disciplinaire  des ordres professionnels, ˆ la gestion paritaire des caisses de SŽcuritŽ sociale ( ŽtatisŽes au Royaume-Uni , privŽes au Etats-Unis) , ˆ la Ē cogestion Č de fait,  pour le meilleur et pour le pire,  de grands ministres comme lÕAgriculture ou lÕEducation nationale ou encore ˆ la prolifŽration invraisemblable des associations de la loi de 1901 de tout poil . Nous voilˆ bien aux antipodes de la loi Le Chapelier et du prŽtendu  anticorporatisme franais !

NÕoublions pas non plus les Žtudes dŽjˆ anciennes , mais toujours valables, de Catherine GrŽmillon  et Jean-Paul Weber (4) sur lÕadministration prŽfectorale , fleuron du centralisme franais,  qui ont montrŽ combien le supposŽ Etat rationalisateur composait , dans les faits, depuis toujours , avec des rŽalitŽs locales trs diverses . Le reprŽsentant de lÕEtat dans les dŽpartements est dÕautant plus respectueux des notables locaux que, Žtranger au terroir , et se sentant quelque part illŽgitime, il a dÕabord le souci  dՐtre admis parmi eux . En outre , le pouvoir central attendant de lui dÕabord, sauf exceptions,  quÕil ne fasse pas de vagues , le meilleur moyen dÕy arriver est de troubler le moins possible le jeu local.

Autre tempŽrament ,   souvent mŽconnu, au prŽtendu centralisme franais : le trop dŽcriŽ cumul des mandats . Que psent les injonctions du pouvoir parisien quand le prŽsident du conseil rŽgional est un ancien chef de lÕEtat , quand le maire dÕune grande ville est un premier ministre en exercice , un ancien premier ministre,  un ministre ou ancien ministre important ? Lˆ o le  maire de Toulouse a quand il le veut le premier ministre au tŽlŽphone , le prŽfet de la rŽgion Midi-PyrŽnŽes aura plus de mal .  Il y a les grands fŽodaux, il y a aussi les petits barons , qui sÕappuyant  ˆ la fois sur leur lŽgitimitŽ  Žlectorale  locale et sur un mandat parlementaire, sont gŽnŽralement lÕobjet de grands Žgards de la part de fonctionnaires de lÕEtat qui savent que ces Žlus peuvent faire ou dŽfaire leur carrire, quand ils nÕont pas, par des rŽseaux divers,  phagocytŽ les Žchelons locaux de lÕEtat.  Quel contraste avec le Royaume-Uni o  les hommes politiques de haut vol briguent directement un sige parlementaire, incompatible avec les mandats locaux , rŽservant ceux-ci    aux Ē seconds couteaux Č de leur parti !  Mme si les collectivitŽs dÕoutre-Manche ont (ou ont eu ) juridiquement plus de pouvoirs, elles psent , de fait,  beaucoup moins que les n™tres. Avec raison, on  dit que le SŽnat est le Ē grand conseil des communes de France Č . Mais , malgrŽ les limitations rŽcentes apportŽes au cumul des mandats, cÕest le Parlement franais tout entier qui est composŽ des ambassadeurs des collectivitŽs locales, la plupart avouant accorder la prioritŽ ˆ  leurs mandats locaux, le mandat national ne leur servant quՈ faciliter le lobbying pour leur ville ou pour leur dŽpartement..

Paradoxalement , les lois Defferre ont contribuŽ ˆ durcir  la prŽsence locale de lÕEtat . La thŽorie du ministre de lÕintŽrieur est depuis 15 ans : Ē vous ( les prŽfets) ne vous occupez dŽsormais plus de tout  ; contentez   vous de dŽfendre les intŽrts de lÕEtat Č. Or que sont les intŽrts de lÕEtat ? Pour beaucoup de fonctionnaires , il  sÕagit essentiellement de lÕapplication des lois. CÕest un peu court : le prŽfet napolŽonien , bien intŽgrŽ aux  Žlites locales, pour qui les intŽrts de lÕEtat nՎtaient rien d Ōautre que lÕintŽrt gŽnŽral de son dŽpartement, sÕattachait ˆ appliquer ces lois avec discernement , ˆ la tempŽrer au besoin quand , sur le terrain, elles allaient ˆ lÕencontre du bon sens ;  le prŽfet moderne , au contraire , beaucoup moins intŽgrŽ au tissu local ( ne serait-ce quÕen raison dÕune rotation plus rapide) et ne se sentant plus au mme degrŽ comptable de cette fonction de synthse quÕest la poursuite de lÕintŽrt gŽnŽral , puisquÕil est supposŽ nՐtre  quÕun partenaire parmi dÕautres du jeu local , campe trop souvent Š ou laisse ses services camper Š de manire intransigeante sur la loi. Cette Žvolution co•ncidant avec le durcissement des lŽgislations nationales ou europŽennes en matire dÕenvironnement, dÕurbanisme ou de normes alimentaires , lÕimpression gŽnŽrale ˆ la base  est aujourdÕhui  que lÕEtat est plus dur quÕil nՎtait, quÕ Ē on ne peut plus discuter Č etc. Effet paradoxal dÕune rŽforme qui visait ˆ  rapprocher les pouvoirs du citoyen.

 

Le schŽma de pensŽe ŽvoquŽ au dŽpart de notre propos , qui proclame la pŽrennitŽ de lÕEtat bonapartiste,  ne se contente donc  pas dÕocculter les complexitŽs de lՎvolution  historique et sociologique de notre pays depuis deux sicles, il fait aussi obstacle ˆ une prise en compte des vrais problmes que posent aujourdÕhui  les relations entre le centre et la pŽriphŽrie.

A mauvais diagnostic, mauvais remde. Ceux qui veulent insuffler du libŽralisme dans les institutions franaises en les dŽcentralisant vont ˆ contre-sens. CÕest lÕeffet inverse quÕils atteindront : une sphre publique toujours plus cožteuse, touffue , engorgŽe, artificielle. La dŽcentralisation ne peut jouer , dans la France dÕaujourdÕhui , que contre  libŽralisme. Nous voudrions le montrer  sous le triple rapport du poids de la sphre publique , de la construction europŽenne et de la relation ˆ   lÕhŽritage historique .

 

DŽcentralisation et prŽlvements obligatoires

 

Pour tout vrai libŽral  , il est un problme autrement plus grave que   la permanence supposŽe du centralisme ,  et distinct de celui-ci, cÕest le  poids de la sphre publique . Avec 45 % du  PIB ( 2001) prŽlevŽ chaque annŽe par lÕEtat, les collectivitŽs locales et les caisses de sŽcuritŽ sociale, la France se trouve ˆ un niveau record parmi les grands pays europŽens. Compte tenu des dŽficits et des ressources non fiscales des collectivitŽs publiques, les dŽpenses publiques sՎlvent mme  ˆ 52,7  % de la PIB (2001). Ces niveaux effarants constituent une menace pour le dynamisme Žconomique de notre pays (5)  . Ils alimentent un profond malaise dans toutes les catŽgories sociales ( et pas seulement les plus aisŽes). Ils permettent , par le biais de la dŽpense publique , un clientŽlisme politique ˆ tous les Žchelons, qui constitue un obstacle au libre jeu dŽmocratique .  Une partie de ces dŽpenses ( notamment les dŽpenses sociales) ne faisant lÕobjet que dÕ un contr™le politique trs lointain et nՎtant pas  soumises ˆ la loi du marchŽ , p‰tissent  dÕune faible rŽgulation , ce qui explique dÕailleurs leur tendance continue ˆ lÕexpansion . Au total, une telle situation constitue  une offense ˆ la philosophie libŽrale basŽe sur lÕautonomie de lÕindividu et des familles et au refus du tout-Etat (ou tout-collectif) .

Tout cela est bien connu . Ce qui lÕest moins , cÕest la contribution de la dŽcentralisation ˆ cette situation. Les lois Defferre de 1983 , qui ont considŽrablement accru lÕautonomie des rŽgions, des dŽpartements et des communes , se sont traduites par le recrutement dÕenviron un demi-million de  fonctionnaires locaux supplŽmentaires (sans que bien sžr il y ait eu en parallle une rŽduction des effectifs de lÕEtat ) et un alourdissement dÕenviron  2,4 % des prŽlvements obligatoires.

De 1978 ˆ 2001 , alors que les dŽpenses de lÕEtat ont ŽtŽ contenues par rapport au   PIB (1978 : 22, 1 % ; 2001 : 22,5 %, soit + 0,4 % , aprs avoir atteint il est vrai 25,7 % en 1985 ) celles de la SŽcuritŽ sociale sont  passŽes, pour des raisons dŽmographiques bien connues , de 18,9 % ˆ 24  % ( soit + 5,1 %) et  celles des collectivitŽs locales  de 7,6 % ˆ 10 %  (soit + 2,4 %) (6). Si on ne considre que les prŽlvements, les imp™ts locaux ont ŽvoluŽ de 3,1 % ˆ 5,1 % du PNB entre 1978 et 2001 ( aprs un pic  ˆ 5,7 % entre 1996 et 1998) . Les dŽpenses locales qui ne sont pas financŽes par lÕimp™t le sont par des  dotations et subventions de lÕEtat.

Ces chiffres nՎmouvront pas ceux pour qui la dŽcentralisation est une tendance gŽnŽrale lourde , un fait  irrŽversible . Les mmes considrent gŽnŽralement  que la hausse des prŽlvements lÕest aussi . On ne sera donc pas surpris que  le seul pays qui ait connu une rŽduction significative du taux des prŽlvements au cours des dernires annŽes ,  lÕAngleterre de Margaret Thatcher , soit aussi le seul grand pays qui ait , ˆ lÕencontre du mouvement gŽnŽral, non point dŽcentralisŽ mais recentralisŽ et cela , de manire  fŽroce (7) . Un des aspects de cette recentralisation fut lÕencadrement strict des dŽpenses locales . Cela ne se fit point  par philosophie jacobine mais pour desserrer , dans la plus pure logique libŽrale (dÕaucuns diront ultra-libŽrale),  le carcan des prŽlvements publics qui pesait sur les particuliers.

Le lien entre hausse des prŽlvements obligatoires et dŽcentralisation est ˆ double sens . CÕest lÕextension continue de la sphre publique ˆ laquelle on assiste depuis un sicle et demi qui a rendu nŽcessaire , dÕabord la dŽconcentration , puis  la dŽcentralisation . CÕest parce que les prŽfets craquaient sous les charges de plus en plus nombreuses qui sÕaccumulaient sur leur tte  que la loi Defferre Žtait , toute philosophie mise ˆ part,  nŽcessaire. LÕextension de la sphre publique se  poursuivant, malgrŽ le vent libŽral qui souffle sur lÕOccident depuis vingt ans, la dŽcentralisation  est toujours ˆ lÕordre du jour.

Mais, la promotion de centres de dŽcisions autonomes dŽcentralisŽs , tend ˆ  dŽvelopper  elle aussi , en retour,  la dŽpense publique , comme en tŽmoigne   le fait que la fiscalitŽ locale se soit alourdie de manire continue depuis trente ans  , sans que la fiscalitŽ dÕEtat ait diminuŽ de manire corrŽlative. Il nÕy a   pas ˆ notre connaissance dÕexemple dans le monde de pays qui ait dŽcentralisŽ ses institutions tout en diminuant les prŽlvements publics. 

QuÕil y ait un lien direct entre le poids de la sphre publique et la dŽmultiplication de ses p™les (cela vaut aussi bien pour la crŽation dÕun supercentre europŽen , qui constitue  lui aussi  un p™le supplŽmentaire),  la rŽduction de ce  poids et la simplification du paysage public,  est au demeurant assez logique . Il est Žtonnant que cette corrŽlation Žvidente pour un libŽral britannique et que lÕon pourrait qualifier dÕarithmŽtique ( plusieurs collectivitŽs cožtent plus cher quÕune seule ) soit aussi peu  perue en France . Des libŽraux sincres hostiles au matraquage fiscal croient trouver une solution dans la dŽcentralisation . Nul ne sÕy avise que la dŽcentralisation a un cožt et que peut tre elle pourrait sÕavŽrer un luxe dangereux dans un pays o  les prŽlvements atteignent les  45 % du PIB !

LÕeffet inflationniste de la dŽcentralisation est accentuŽ en France, du fait du mode particulier de financement des dŽpenses publiques locales. Pour Žviter que la dŽcentralisation nÕincite ˆ la dŽpense , on peut imaginer  deux systmes : le premier, en usage en Allemagne : les ressources des collectivitŽs sont dŽcidŽes Š et par lˆ plafonnŽes Š ˆ lՎchelon central ; lÕautre en vigueur aux Etats-Unis : les collectivitŽs locales sÕautofinancent presque intŽgralement : chaque citoyen sait donc ce que lui cožtent les investissements locaux . Le systme franais, mixte , cumule les inconvŽnients des deux  : une large partie des dŽpenses locales sont financŽes par lÕEtat ou dÕautres collectivitŽs , sous la forme de dotations ou de subventions . Mais les collectivitŽs locales ont aussi  le loisir dÕaugmenter leurs propres imp™ts . Ceux-ci, collectŽs par les agents de lÕEtat,  sont noyŽs dans la masse additionnŽe des imp™ts de toutes les collectivitŽs locales Š assis sur les mmes bases  - et encore , beaucoup de citoyens  peu ŽclairŽs,  ne les distinguent-ils pas des imp™ts dÕEtat , imputant au gouvernement la hausse continue des prŽlvements locaux ! Le rŽsultat : un Žlu local a toujours intŽrt ˆ dŽpenser : cela lui assure une reconnaissance politique supŽrieure ˆ la pŽnalitŽ que pourrait lui infliger une hausse des imp™ts noyŽe parmi dÕautres prŽlvements (8) .

Que lÕacte dŽmocratique fondamental que constitue le consentement ˆ lÕimp™t se trouve ainsi brouillŽ tŽmoigne ˆ lui seul du vice de notre dŽmocratie locale .

On dira que la hausse des imp™ts locaux rŽsulte de la forte demande de biens collectifs. Cette demande existe mais le propre de la gestion dÕun budget nÕest-il  pas de faire des choix afin dÕarbitrer entre le souhaitable et le possible ?

On met ˆ juste titre au crŽdit de la dŽcentralisation dŽcidŽe en 1983 le fait que les lycŽes, dont lÕimmobilier  a ŽtŽ transfŽrŽ de lÕEtat aux rŽgions,  sont dŽsormais mieux entretenus  ou que les casernes de pompiers Š service dŽpartemental Š sont mieux outillŽes que celles de gendarmerie Š service dÕEtat . On peut certes considŽrer que les choix effectuŽs au niveau local sont plus judicieux , plus proches des besoins des gens , mais la cause principale de cette amŽlioration du service est la plus grande latitude quÕont les collectivitŽs locales pour accro”tre la dŽpense .

La propension ˆ la dŽpense des collectivitŽs locales se trouve aggravŽe par les mŽcanismes dit contractuels instaurŽs par lÕEtat ˆ partir de 1984, ˆ lÕinitiative de Michel Rocard alors ministre du Plan,  afin de coordonner les programmes dÕinvestissements de lÕEtat avec ceux des autres niveaux dÕadministration. Pour ne pas manquer le train des subventions, arrtŽes tous les cinq ans, les Žlus locaux se trouvent sommŽs  de produire,  au dŽpart du contrat de plan,  des programmes dÕinvestissements lourds , plus ou moins  judicieux, quÕils doivent ensuite rŽaliser. Ultime avatar  des plans quinquennaux instaurŽs en 1945 ( ˆ lÕimitation du modle soviŽtique), les contrats de plan ˆ la franaise rythment les investissements des collectivitŽs locales !

DÕune faon gŽnŽrale, plus une collectivitŽ dŽpense, plus elle reoit de subventions de lÕEtat ou dÕautres collectivitŽs , y compris lÕUnion europŽenne,  ˆ quoi sÕajoutent , dans le calcul des dotations, des rŽgimes  de prime ˆ lÕ Ē effort fiscal Č , manifestement obsoltes , que personne nÕa encore pensŽ ˆ supprimer.

Enfin comment ne pas rappeler que la classe dirigeante peroit mal  ces mŽcanismes , qui ne touchent Paris et la rŽgion parisienne que de manire amortie  du fait dÕune forte concentration des bases fiscales dans cette rŽgion qui permet  une fiscalitŽ locale plus lŽgre ,  du fait aussi que lÕimp™t le plus sensible aux riches, lÕimp™t sur le revenu, est un imp™t dÕEtat , alors que les finances locales sont alimentŽes par des imp™ts  qui touchent proportionnellement  plus les classes populaires : la taxe dÕhabitation et le taxe sur le foncier b‰ti ? 

Les considŽrations qui prŽcdent sont essentiellement financires . Mais pour mesurer pleinement les effets pervers de la dŽcentralisation , il  faut aussi prendre en compte  le risque que fait  peser sur la dŽmocratie locale un systme qui permet aux responsables dÕexŽcutifs locaux de dŽpenser sans vŽritable contr™le sur le niveau de leurs impositions. Cette situation alimente un systme clientŽliste o les dŽpenses servent trop souvent ˆ maintenir une emprise politique : il est significatif que lÕalternance joue beaucoup moins souvent au niveau local quÕau niveau national : et  les Žlus qui la subissent lÕ ont en gŽnŽral cherchŽ ! SÕagissant des subventions dÕune  personne morale de droit public  ˆ une autre, alors que lÕEtat a largement globalisŽ les siennes, les rŽgions et les dŽpartements continuent ˆ les distribuer au coup par coup aux communes . Lˆ aussi le clientŽlisme joue ˆ plein : a-t-on jamais vu un prŽsident de conseil gŽnŽral Žchouer aux Žlections sŽnatoriales ? 

Le libŽralisme nÕa pas une signification univoque : la libertŽ des uns ne se dŽveloppe quÕau dŽtriment de celle des autres . Il  est douteux que les libertŽs locales , qui ne devraient se dŽvelopper quÕau dŽpens  des pouvoirs de lÕEtat , puissent en France tre Žlargies  sans toucher ˆ  celles des personnes privŽes, individus, familles, entreprises. Il convient en tous cas de bien toucher du doigt que   la baisse des imp™ts  et la dŽcentralisation ne sont pas nŽcessairement  des objectifs compatibles.

 

DŽcentralisation et fŽdŽralisme

 

Un autre sujet gŽnŽralement mal explorŽ est celui des rapports entre la dŽcentralisation et le fŽdŽralisme, notamment  europŽen.

Dans la conception franaise, tout ce qui se traduit par un transfert de pouvoirs du centre vers la pŽriphŽrie , quÕimporte comment, va dans le sens du fŽdŽralisme , national ou europŽen et se trouve par lˆ h‰tivement assimilŽ au libŽralisme.

Lˆ aussi , il est un fait dont nos Žlites politiques nÕont pas encore une nette conscience : cÕest quÕon ne peut tre ˆ la fois pour une Europe fŽdŽrale et pour une France fŽdŽrale et quÕentre  les deux , il faut choisir .

Cela parce que le fŽdŽralisme suppose un Žchelon local dominant , qui ne saurait tre que le second aprs le pouvoir central.  En Allemagne, cÕest le land, en Suisse,   le canton   . A lÕencontre du  principe franais selon lequel Ē  aucune collectivitŽ locale nÕexerce de tutelle sur une autre  Č , dans les deux pays prŽcitŽs, au contraire , le land et le canton exercent une forte emprise sur les collectivitŽs de rang infŽrieur : ce sont eux  qui assurent en particulier ce quÕautrefois on appelait la tutelle et quÕaujourdÕhui on appelle le contr™le de lŽgalitŽ  sur les communes.

De ce fait les communes allemandes ont moins de libertŽ  que les communes franaises. Ces dernires ne rŽpondent que devant une tutelle Žtatique lointaine . Les communes allemandes sont soumises, elles,  , en particulier en matire dÕurbanisme,  au contr™le Žtroit du land. On ne le sait pas assez chez nous : les lŠnder sont trs centralisŽs et lÕAllemagne fŽdŽrale est largement une juxtaposition de  petites Prusses !

Une consŽquence de ce principe : dans un vŽritable Etat fŽdŽral , les relations directes entre le niveau 1 (lÕEtat central) et les niveaux 3 ou 4 (dŽpartements et communes) sont interdites ou en tous les cas exceptionnelles , alors quÕen France  , elles sont pratique courante.

On peut tenir pour normal   quÕil en soit ainsi dans notre pays  . En effet, malgrŽ  les importants transferts de compŽtence et lÕallgement des tutelles intervenus au cours des dernires annŽes , la France nÕest pas un Etat fŽdŽral , prŽcisŽment  en raison de la dispersion du pouvoir local , qui fait  que lÕEtat Š ou son reprŽsentant local Š , mme moins armŽ financirement  quÕautrefois, demeure en position d Ōarbitrage.

La faiblesse des rŽgions franaises par rapport aux LŠnder ou aux provinces espagnoles tient en effet moins au poids de lÕEtat central quՈ la perte de substance  financire   quÕimplique la persistance en dessous dÕelles dÕune structure dŽpartementale. Le budget de la rŽgion Lorraine para”t faible (par tte dÕhabitant) si on le compare ˆ celui du land de RhŽnanie-Palatinat ; mais la Lorraine supporte mieux la comparaison   si on ajoute au budget rŽgional ceux des quatre dŽpartements qui la  composent .

Ce qui est normal en France lÕest cependant moins en Europe o, de manire tout ˆ fait curieuse, ce sont les tenants du fŽdŽralisme (ˆ commencer par la Commission europŽenne elle-mme ) qui promeuvent avec le plus dÕardeur les relations directes entre Bruxelles (niveau 1) et les rŽgions (niveau 3) ! 

 CÕest la thŽorie de lÕ Ē Europe des rŽgions Č. Pourtant ces relations directes entre Bruxelles et les rŽgions franaises ou Žtrangres , telles quÕelles se dŽveloppent, tant ˆ lÕinitiative de la Commission europŽenne que des rŽgions elles-mmes , dont certaines ont Žtabli de vŽritables Ē ambassades Č ˆ Bruxelles, seraient impensables dans une fŽdŽration de type classique .

LÕUnion europŽenne , dira-t-on, nÕest pas une fŽdŽration classique . Certes mais alors quÕest-elle ?

On ne saurait rŽpondre ˆ cette question sans examiner les diffŽrents critres qui rŽgissent le rapport du centre et de la pŽriphŽrie.

Le premier  est financier . Si le budget de lÕEtat est  encore en France  plus important que ceux  des collectivitŽs locales , tous niveaux confondus, la majoritŽ des investissements civils sont dŽcentralisŽs ( et cÕest dÕailleurs dans ce domaine que portent les principaux projets actuels de nouveaux transferts de compŽtence : routes nationales, ports et aŽroports , h™pitaux ) . Cela para”tra peu de chose. Mais le droit de dŽcider des investissements constitue aujourdÕhui la prŽrogative ˆ la fois la plus discrŽtionnaire et celle  qui conditionne le plus lÕavenir ; elle est  pour un Žlu, la partie crŽatrice, la part Ē divine Č  de son activitŽ ,  celle , qui , de lÕavis commun , lui donne le plus de satisfactions. Certains pays (lÕAngleterre elle-mme o pourtant les collectivitŽs locales ont beaucoup moins de libertŽ) affichent des taux de dŽcentralisation financire beaucoup plus ŽlevŽs que la France ; mais la diffŽrence provient principalement  des  salaires des policiers ou des enseignants  pris en charge ˆ lՎchelon local. On pourrait faire la mme chose en France.  Mais ce genre de prŽrogative, rigoureusement encadrŽe par le niveau central et les rgles statutaires , offre en fait peu de latitude au pouvoir local. Ce sont des t‰ches de gestion lourde peu gratifiantes . En France, le mme systme  de gestion au niveau local, est en vigueur pour les pompiers. LÕexpŽrience montre que la gestion des pompiers , bien que juridiquement dŽcentralisŽe, nÕest pas intrinsquement diffŽrente de celle des policiers ou mme des gendarmes.

LÕ autre critre de la dŽcentralisation est juridique. Il comporte deux volets  . Le premier a trait au pouvoir lŽgislatif : qui fait les lois et les rglements ?  La France Š ˆ la diffŽrence de lÕEspagne ou de lÕAllemagne - sÕest jusquÕici refusŽe ˆ dŽcentraliser une quelconque parcelle du pouvoir de faire les lois ( ou de les adapter) . Les maires disposent seuls de pouvoirs rŽglementaires significatifs  , de police  principalement, dans le ressort de leur commune. Les collectivitŽs intermŽdiaires, rŽgion et dŽpartement,  nÕont que des pouvoirs rŽglementaires limitŽs  et  elles ne les recherchent  gure,  sachant que ces pouvoirs sont trs astreignants . Il nÕest dÕailleurs pas  souhaitable de trop disperser le pouvoir rŽglementaire.

Le second volet a trait au pouvoir exŽcutif :  qui applique les lois ? CÕest la grande marque du centralisme franais : il ne confie pas aux collectivitŽs locales le soin dÕappliquer les lois dÕEtat ( hors certaines compŽtences dŽvolues aux maires qui sont officiers dՎtat-civil et officiers de police judiciaire pour le compte de lÕEtat ) . Tel nÕest pas le cas en Allemagne ou aux Etats-Unis o lŠnder et Etats se  trouvent largement  investis de la responsabilitŽ , non seulement de respecter mais aussi de faire appliquer les lois fŽdŽrales. CÕest en cela aussi que lÕUnion europŽenne se distingue  de lÕEtat franais  : les rglements communautaires sont appliquŽs, pour lÕessentiel,  par lÕadministration des Etats membres. On pourrait penser quÕil y a lˆ une diffŽrence fondamentale ; tout dŽpend des moeurs du pays : une administration dirigŽe localement qui se fait la gardienne vigilante dÕune lŽgislation dŽcidŽe au niveau central  nÕest pas envisageable partout : ce systme suppose une sociŽtŽ disciplinŽe , spontanŽment respectueuse des lois, ce quÕAlain Peyrefitte appelle une ĒsociŽtŽ de confiance Č . Mais un exŽcutif local qui agit de cette  manire appartient-il  encore au  pouvoir local ? En dÕautres termes, quÕimporte que le prŽfet soir Žlu , sÕil se comporte comme un prŽfet nommŽ.

Le fait que lÕEtat garde pour lÕessentiel la responsabilitŽ dÕappliquer les lois est une marque propre du centralisme franais. Elle se trouve redoublŽe par  une donnŽe rarement mise en relief : cÕest le poids dÕun appareil dÕEtat qui pse paradoxalement dÕautant plus quÕil est dŽconcentrŽ . Au niveau rŽgional et dŽpartemental , les assemblŽes locales sont Žtroitement doublŽes par le pouvoir dÕEtat : le prŽfet de rŽgion pour les conseils rŽgionaux, le prŽfet tout court pour les conseils gŽnŽraux, sans compter 300 sous-prŽfets qui suivent de prs lÕactivitŽ des communes. En Allemagne, cette tutelle est encore plus Žtroite, mais prŽfets et sous-prŽfets sont nommŽs par les lŠnder. En Angleterre, malgrŽ le centralisme que lÕon observe en bien des domaines ( par exemple lÕencadrement Žtroit des finances locales) , les reprŽsentants locaux des ministres Š qui travaillent en coopŽration Žtroite mais sans tre chapeautŽs par un prŽfet Ē unique reprŽsentant de lÕEtat Č Š ne rŽsident  pas nŽcessairement sur place : ils peuvent rŽsider ˆ Londres ou suivre en mme temps plusieurs comtŽs (ou borroughs) . Ce marquage lourd des collectivitŽs locales est trs franais . Il nÕest pas sžr quÕil rŽsulte dÕune dŽcision dŽlibŽrŽe. On a  simplement , au moment des lois de dŽcentralisation, gardŽ la structure Žtatique antŽrieure. Mais lÕidŽe que les Žchelons locaux de lÕEtat doivent avoir le mme ressort que les collectivitŽs locales est sans doute ˆ rŽexaminer.

Compte tenu de ces critres, ˆ quoi se rattache la CommunautŽ europŽenne telle quÕelle prend tournure aujourdÕhui ?

Comme les rŽgimes constitutionnels Š tels les ŽlŽments dans le tableau de MendelŽieff Š ne sont pas variables ˆ lÕinfini mais se rapportent ˆ des catŽgories limitŽes, on y reconna”tra  le modle de lÕEtat centraliste attŽnuŽ tel quÕil existe en France aujourdÕhui : un centre (Bruxelles ou Paris) jaloux de ses prŽrogatives , des pouvoirs locaux puissants mais de plus en plus dispersŽs et dont la dispersion mme assure lÕhŽgŽmonie de lՎchelon central. La complaisance que met la Commission ˆ Ē contourner Č les Etats est typiquement un comportement centraliste : il rappelle ˆ son niveau, la politique des rois de France qui Žtablissaient des relations directes avec leurs Ē bonnes villes Č  en contournant les grands fŽodaux , politique qui est toujours celle de lÕEtat franais .

Sans doute ce parallŽlisme a-t-il des limites mais elles sont plus de degrŽ  que de nature : certes les pouvoirs budgŽtaires directs de la Commission sont encore limitŽs si on les compare aux budgets nationaux . En outre ,  la CommunautŽ nÕa pas , dans les Etats, ses propres agents dÕexŽcution : cÕest en thŽorie  une diffŽrence importante, mais qui se trouve relativisŽe si les fonctionnaires nationaux jouent ˆ fond, comme cÕest le cas en France, le jeu europŽen. En revanche  les prŽrogatives rŽglementaires des instances communautaires sont de plus en plus Žtendues, ne laissant en bien des domaines que la portion congrue aux Parlements et aux gouvernements nationaux   :  presque toute  la lŽgislation Žconomique se dŽcide dŽsormais au niveau communautaire. Il est significatif que les normes alimentaires qui en Allemagne  Žtaient de la compŽtence des lŠnder  soient aujourdÕhui communautaires ou que la conduite des politiques de dŽveloppement rural que la loi Defferre avait transfŽrŽes de lÕEtat aux rŽgions ait ŽtŽ en partie reprise par Bruxelles. La plupart des normes de production qui  aux Etats-Unis se dŽcident gŽnŽralement ˆ lՎchelon des Etats,  font lÕobjet de dŽcisions communautaires.

Les Etats europŽens ont aujourdÕhui moins de libertŽ fiscale que les Etats amŽricains , comme le montre la difficultŽ prŽsente de la France ˆ mettre en place une TVA ˆ taux rŽduit  pour les disques ou la restauration  . Et nÕoublions pas le droit pŽnal, dont on conna”t la diversitŽ dans la fŽdŽration amŽricaine, alors que la Cour europŽenne des droits de lÕhomme Š qui nÕest pas un organe communautaire mais qui nÕen a pas moins une autoritŽ croissante - exerce une censure de plus en plus vigilante sur les systmes judiciaires nationaux.

Disons , pour qualifier  la vŽritable nature du systme communautaire, quÕil sÕagit  dÕun centralisme encore plus attŽnuŽ Š voire ab‰tardi - que celui de lÕEtat franais , trs ŽloignŽ en tous cas , du modle fŽdŽral.

Les lecteurs de Rousseau ne sՎtonneront pas de cette propension  centraliste de la CommunautŽ : le philosophe pose en effet la rgle que Ē  plus un Etat sÕagrandit , plus le gouvernement doit se resserrer Č (9) .

Si le vrai fŽdŽralisme implique une concentration du pouvoir local , le centralisme affaibli sÕaccommode dÕune superposition de pouvoirs de mme nature au dessous de lui. Le centralisme dur et le fŽdŽralisme ont des contours nets , le centralisme attŽnuŽ , lui, brouille les contours.

Sans instaurer une vŽritable responsabilitŽ locale, ce  systme  dilue la responsabilitŽ nationale (ou supranationale) dans une cascade de niveaux superposŽs. Il peut sÕensuivre une crise de lÕautoritŽ qui se manifestera par exemple par la hausse de la dŽlinquance ou de la criminalitŽ  ou encore la corruption. Propice aux mafias ( la manire dont celles-ci ont captŽ les aides europŽennes en Italie du Sud ou en Europe de lÕEst est significative) , cette structure lÕest Žgalement aux idŽologies.

LÕidŽologie peut tre un moyen pour le pouvoir central de reprendre ce que par ailleurs il a dŽlŽguŽ. LÕadministration de la culture en France en est un bel exemple . La dŽcentralisation a donnŽ en la matire de considŽrables pouvoirs aux collectivitŽs locales. Partout prolifrent des vice-prŽsidents ou des adjoints dŽlŽguŽs ˆ la culture , gŽnŽralement plus incultes les uns que les autres. Sous lՎgide de Jack Lang, le ministre les a fortement incitŽs ˆ recruter des fonctionnaires spŽcialisŽs  , organisŽs en rŽseau autour de la rue de Valois  dont ils sont en fait  les relais et qui diffusent activement les modes parisiennes . Malheur aux Žlus qui voudraient sÕen passer : ils se trouveraient rapidement marginalisŽs, voire dŽnoncŽs comme ennemis de la culture.

Autre espce prolifŽrant dans le centralisme dŽgŽnŽrŽ, celle des Ē porteurs de projet Č, spŽcialistes des tours de table complexes, nŽcessaires au bouclage des financements publics et qui, quand ils savent sÕy prendre, sont,  dans cette jungle aux attributions enchevtrŽes , les vrais fŽdŽrateurs.

Pas plus que les individus ne trouvaient autrefois leur compte dans ce que le gŽnŽral de Gaulle appelle Ē la broussaille fŽodale Č , les citoyens ne gagnent   ˆ cette dispersion du pouvoir . Diluant la responsabilitŽ , notamment fiscale, le centralisme attŽnuŽ , est propice ˆ  lÕinflation des cožts de structure  ou aux investissements pas toujours judicieux.

Les grandes structures sont en effet peu Žconomes des deniers publics : toujours selon Jean-Jacques , Ē plus la distance du peuple au gouvernement augmente et plus les tributs deviennent onŽreux Č (10) . A plus forte raison quand il sÕagit de grandes structures flasques !

 

LibertŽs locales  et tradition

 

La troisime  idŽe est que  la vraie dŽcentralisation doit tre respectueuse de lÕhŽritage de lÕhistoire.

Si la dŽcentralisation est vraiment une entreprise libŽrale ( et non une utopie constructiviste pour  parler le langage de F.-A.von Hayek ) , elle doit tre respectueuse de lÕ hŽritage :  non seulement des mĻurs et  des habitudes dÕun pays,  mais aussi des  droits acquis des individus ou des communautŽs. Nous nous situons , en disant cela, trs clairement dans la perspective du libŽralisme de Burke , qui nÕexclut pas lՎvolution des institutions mais qui bannit toute idŽe de faire table rase du passŽ. Le vrai libŽralisme ne peut tre que rŽformiste. Si la dŽcentralisation est une entreprise libŽrale, elle ne saurait rŽsulter que de modifications par petites touches , mŽnageant les  institutions les plus vŽnŽrables hŽritŽes du passŽ.

Ē On ne doit  toucher aux lois que la main tremblante Č disait Montesquieu . CÕest particulirement vrai  dans le domaine des institutions locales , qui ont un caractre quasi-constitutionnel.

Cette idŽe relativise le principe juridique classique (promu par lՎcole de Kelsen) selon lequel  les collectivitŽs locales nÕont pas Ē la compŽtence de leur compŽtence Č , ce qui veut dire que lÕEtat peut modifier ˆ volontŽ leurs  compŽtences. Sans doute, sur le plan strictement juridique  le dernier mot en la matire revient-il au lŽgislateur national . Mais  le droit local touche trop aux rŽalitŽs charnelles, historiques,  culturelles ou gŽographiques,  pour que le pouvoir central puisse y  intervenir ad libitum.

Poussant cette idŽe aussi loin quÕil est possible, le libŽral  anglais John Laughland (11) va jusquՈ contester , bien que catholique, la pertinence du principe de subsidiaritŽ. On sait que selon ce principe, la compŽtence pour rŽaliser tel ou tel type dÕaction doit tre attribuŽe au niveau hiŽrarchique Š ou collectif -  le mieux placŽ pour cela   . Or dit-il , dans sa nature originelle, le  pouvoir , fut-il local, est de lÕordre de lՐtre, non du faire , sa  raison dՐtre  nÕest pas de rŽaliser un programme dÕinvestissement Š dŽviation moderne liŽe ˆ une conception  promŽthŽenne du pouvoir - , il est de prŽserver des droits . A quoi Laughland ajoute que la rŽpartition des pouvoirs est elle-mme tributaire de droits acquis , ˆ caractre historique,  et non dÕune rationalitŽ abstraite et intemporelle telle quÕon pourrait la dŽduire du principe de subsidiaritŽ. En dÕautres termes , la justice est plus importante que lÕefficacitŽ.

Mme si on nÕadopte pas ce point de vue extrme Š  dÕailleurs trs favorable aux   libertŽs locales  - , il reste que  le vrai libŽralisme ne permet pas de faire nÕimporte quoi en matire dÕadministration locale.

Ce  respect des institutions existantes , consacrŽes par le temps , rend , en France,  difficile lÕarbitrage , que tout le monde juge nŽcessaire mais que personne nÕenvisage de rendre   dans un proche avenir,  entre la rŽgion et le dŽpartement , niveaux dÕadministration lourds, largement redondants et qui , surtout, ainsi quÕon lÕa dit, sÕaffaiblissent rŽciproquement  face ˆ lÕEtat central.

La rŽgion est certes dÕinstitution rŽcente mais elle sÕappuie sur une rŽseau de mŽtropoles rŽgionales ˆ la personnalitŽ marquŽe et  Žpouse ˆ peu prs le contour des  anciennes provinces.

Le dŽpartement ne date que de 1790 mais il a eu,  en  deux sicles dÕexistence, le temps de sÕenraciner au point dՐtre ressenti aujourdÕhui comme une rŽalitŽ charnelle, lieu dÕidentitŽ fort , structurant encore de manire prŽgnante la gŽographie mentale des Franais.

Sans doute la rŽgion est-elle perue dans les sphres dirigeantes comme une entitŽ  Žmergente et moderne, le dŽpartement au contraire comme vieillot . Mais la prŽsence de presque tous les prŽsidents de conseil gŽnŽral au SŽnat , lequel  garde , de par lÕusage,   le dernier mot en matire de  rŽformes institutionnelles locales , bloque pour longtemps toute entreprise qui aurait pour effet dÕ abolir le dŽpartement .

La technocratie  franaise a pris moins de gants avec la  structure communale. Une des spŽcificitŽs de lÕorganisation territoriale franaise est de sÕappuyer sur un rŽseau de communes trs nombreuses : plus de 36 000 (12), dont beaucoup sont petites ou trs petites (quelques centaines dÕhabitants, parfois moins).

CÕest lˆ lÕhŽritage de la vieille France rurale, plus densŽment peuplŽe autrefois que le reste de lÕEurope , ˆ lÕoccupation humaine plus ancienne et plus  fine,  mais marquŽe par le double effet de la dŽnatalitŽ franaise du XIXe sicle et, sur une partie du territoire,  de lÕexode rural . Il ne reste de ce fait , dans une bonne moitiŽ de la France, que le squelette de lÕ ancienne structure. Mais ce squelette est vŽnŽrable : certaines de ces communes remontent ˆ lՎpoque celtique . Beaucoup sont les hŽritires des paroisses du Moyen-Age : le village rural autour de son clocher demeure un symbole fort dÕune certaine France.

MalgrŽ son aspect archa•que , cette structure ne prŽsentait , osons le dire,  que des avantages et gure dÕinconvŽnients . Avantage civique : ces  petites communautŽs, chacune avec son maire et son conseil municipal , sont un lieu emblŽmatique de la res publica, o les taux de participation Žlectorale sont plus ŽlevŽs, le vote protestataire ou extrŽmiste plus faible que dans le reste du pays . Prs dÕun demi-million dՎlus locaux  ne sont pas une charge car la plupart sont  bŽnŽvoles,  mais une forte Žcole de dŽmocratie . Avantage financier :   contrairement ˆ lÕidŽe reue selon laquelle les petites unitŽs sont moins efficaces , elles offrent ˆ la population une administration gŽnŽrale ˆ bon marchŽ , parce que les conseils municipaux ruraux Žtaient peu dŽpensiers, parce que tant les maires que les secrŽtaires de mairie ne comptaient pas leur temps . Leur  capacitŽ dÕinvestir Žtait certes limitŽe mais les citoyens trouvaient ˆ la ville voisine les services dont ils ne disposaient pas sur place, tout en alimentant, en y faisant leurs courses, le budget de la grande commune. Les petites communes avaient au demeurant la possibilitŽ  de regrouper leurs efforts dans des syndicats aux formes juridiques variŽes et elles ne sÕen privaient pas.

Pourtant la technocratie parisienne a toujours jugŽ ce systme archa•que et tente depuis trente ans  avec obstination , imposant ses prŽjugŽs aux  ministres tant de droite que de gauche, dÕen venir ˆ bout.  Les dernires tentatives, aujourdÕhui en passe de rŽussir,  sont la loi Joxe (1992), dont les dispositions ont ŽtŽ  renforcŽes par les lois Pasqua (1995) et Chevnement (1999) . Le but de ces textes est , par une combinaison de pressions prŽfectorales et dÕincitations financires lourdes, de vider de leur substance les petites communes pour les intŽgrer ˆ  des unitŽs ˆ rayon plus large appelŽes du nom barbare de Ē communautŽs de communes Č.

En poursuivant un tel objectif , seulement fondŽ sur les a priori de la rationalitŽ abstraite Š et lÕimitation servile de modles Žtrangers  , on commet une grave  erreur dÕanalyse. On pense  simplifier, on complique . DÕabord parce que lÕadministration locale devient plus chre : il est constant en effet que plus les unitŽs administratives sont grandes , plus elles cožtent cher par habitant Š sans nŽcessairement rendre de meilleurs services ; lÕadministration publique est le domaine par excellence des dŽsŽconomies dՎchelle .  Ensuite parce que , au moins  dans un premier temps , la nouvelle structure ne se substitue pas ˆ lÕancienne mais sÕy superpose , ce qui implique le dŽdoublement de presque toutes les fonctions, du nombre de rŽunions et naturellement des indemnitŽs versŽes aux Žlus .  Complication supplŽmentaire : les contours des nouvelles entitŽs, souvent dŽcoupŽs en fonction de lÕopportunitŽ politique,  sont terriblement enchevtrŽs. Enfin , le gouvernement, jugeant les communautŽs de communes elles-mmes trop petites,  promeut en parallle une nouvelles structure, qui se superpose aux deux autres : le pays ! 

Est-il nŽcessaire de dire que ce que dans le jargon des initiŽs on appelle lÕ Ē intercommunalitŽ Č   nÕapporte rien au dŽveloppement des zones rurales qui , comme il est normal en Žconomie libŽrale, repose dÕabord sur lÕinitiative privŽe ? Au contraire, ces zones   perdent par ces mŽcanismes leur principal avantage comparatif : une fiscalitŽ plus lŽgre . LÕalourdissement de la fiscalitŽ entra”nŽ par les communautŽs de communes ne saurait Žtonner : tout le dispositif   peut  sÕanalyser comme un effort des grands notables, maires des villes moyennes ou grandes , qui ont  atteint les limites de leur potentiel fiscal , pour  retrouver une marge de manĻuvre en confiscant pour les projets de la ville-centre celle  qui existe encore dans lÕ arrire-pays.

Erreur dÕanalyse, effets pervers en cascade : le systme est cependant acceptŽ par les Žlus nationaux qui trouvent dans ce rŽseau enchevtrŽ de structures le moyen de renforcer leur rŽseau  clientŽliste . Il  est en revanche de plus en plus  impopulaire chez les maires des petites communes (13) ,  mme si beaucoup  sÕy rŽsignent  parce quÕon les a persuadŽs quÕil sÕagit dÕune Žvolution inŽluctable.

La France nÕest pas seule en cause : lÕAngleterre avait depuis longtemps vidŽ de sa substance les paroisses , unitŽs administratives de base , et mme les districts au bŽnŽfice des comtŽs , grands comme deux dŽpartement franais en moyenne et qui grent aujourdÕhui Š de pair avec les borroughs urbains -  90 % des budgets locaux . La plupart des lŠnder allemands avaient de leur c™tŽ fusionnŽ dÕautoritŽ les petites communes avec une brutalitŽ ˆ laquelle on nÕa pas , heureusement , eu recours en France.

Derrire les tentatives franaises de regroupement des communes  , un discours apparemment dŽcentralisateur . Ē  Il faut, dit-on,  renforcer le pouvoir local . Or  nos communes sont trop faibles . Pour quÕelles puissent   sՎmanciper, fusionnons les pour reconstruire des unitŽs plus grandes mieux ˆ mme de se prendre en charge . Č

Mais faut-il , pour arriver ˆ un tel rŽsultat, faire ce travail Ē constructiviste Č , idŽologique et simplificateur , destructeur de communautŽs ˆ lÕenracinement historique immŽmorial , et en dŽfinitive dispendieux ? Comment ne pas voir derrire cette volontŽ dÕadministrer les campagnes par grandes unitŽs plus ou moins artificielles et nŽcessairement plus bureaucratiques, les traces de lÕ imprŽgnation marxiste dÕune partie de nos Žlites ? Dans le neuvime des  dix points du programme du Manifeste du parti communiste (14) , Karl Marx prŽconise des Ē mesures tendant ˆ faire dispara”tre la distinction entre ville et campagne Č . Comment ? Forons le trait : comme Pol Pot qui vida les villes dans les campagnes ? Ou comme Ceaucescu , qui entreprit de raser les villages traditionnels roumains  pour les remplacer par des blocs HLM ? Il nÕest bien entendu pas question dÕaller si loin . Mais lÕesprit est le mme . Nos girondins , fort ŽloignŽs du libŽralisme burkien,  veulent dŽmolir le paysage administratif local pour le reconstruire ˆ leur grŽ . Ils nous rappellent ainsi ce que lÕon oublie trop souvent : les Girondins de 1792 ,  eux aussi, avaient fait leurs classes au Club des Jacobins !

Le problme de lÕintercommunalitŽ ne concerne   pas que les campagnes . Il intŽresse aussi les agglomŽrations. Certains diront que cÕest surtout lˆ quÕelle est nŽcessaire  .  La mise en place dÕune administration dÕagglomŽration semble en effet se justifier  davantage dans des ensembles urbains  dÕune certaine importance qui ne forment quÕune seule unitŽ fonctionnelle . Mais lˆ aussi pourquoi violenter des communautŽs historiques , ˆ lÕidentitŽ plus forte quÕon ne pourrait le croire, malgrŽ  la continuitŽ et parfois la grisaille des  banlieues ? Une bonne pŽrŽquation de la taxe professionnelle et  le transfert de certaine fonctions ˆ des Žtablissements publics dÕagglomŽration ne suffiraient-ils pas ?

La tentation du constructivisme idŽologique se retrouve aujourdÕhui dans lÕanalyse la plus commune du fait rŽgional . Les rŽgions , crŽŽes ex-nihilo en 1972 avaient ŽvitŽ ce risque : on avait pris soin de  les dŽcouper en fonction de lÕhŽritage historique des provinces dÕAncien rŽgime et  globalement , le travail est satisfaisant.

Pourtant il est aujourdÕhui ˆ la mode de remettre en cause ce dŽcoupage . Nos rŽgions sont trop petites ou trop faibles, dit-on, il faut les regrouper en 7 ou 8 superrŽgions (au lieu de 22) pour quÕelles psent autant que les rŽgions des autre pays dÕEurope et permettre ainsi une vraie dŽcentralisation  , voire le passage au stade fŽdŽral. Double erreur dÕanalyse : dÕabord , comme on lÕa vu, ce qui affaiblit les rŽgions franaises, autant que leur taille, cÕest   le partage de leurs compŽtences avec les dŽpartements. Ensuite , les rŽgions europŽennes avec lesquelles on compare gŽnŽralement les n™tres, sont celles qui ne se trouvent  pas loin  de nos frontires : lŠnder de RhŽnanie-Westphalie ou de RhŽnanie-Palatinat (ou , un, peu plus loin la Bavire) , PiŽmont ou Lombardie, Catalogne , qui , les hasards de la gŽographie aidant,  sont exceptionnellement peuplŽes   .Mais ce nÕest pas la rgle gŽnŽrale en Europe . La population moyenne des nouveaux lŠnder dÕAllemagne de lÕEst est comparable  ˆ celle des rŽgions franaises . Et lÕAngleterre nÕa pas de rŽgions (15) !

Surtout , qui ne voit  le risque quÕil y aurait ˆ dŽstabiliser des entitŽs administratives encore jeunes et auxquelles le temps nÕa pas ŽtŽ laissŽ pour sÕenraciner, au bŽnŽfice de constructions encore plus artificielles ? QuՈ la rigueur on fusionne Haute et Basse Normandie, personne nÕy trouvera ˆ redire ,  mais aller plus loin serait faire injure au temps quÕil faut toujours laisser aux institutions pour se consolider .

Derrire cette idŽe de regroupement des rŽgions franaises, une autre approche artificielle et constructiviste , qui concerne cette fois le rŽseau urbain.

Le gŽographe Roger Brunet (16) a analysŽ , dans une Žtude dŽsormais classique, le rŽseau urbain europŽen, selon une mŽthode  multicritres , o la population des villes demeure cependant le facteur  le plus important . Il en conclut que la France , prŽsente, gr‰ce ˆ Paris et son agglomŽration dans les villes de classe 1 (il nÕy en a que deux en Europe : Paris et Londres ; sans la guerre , Berlin y aurait certainement figurŽ ) ,   prŽsente dans les villes de classe 4  ( Lyon) et 5 (Marseille, Strasbourg et Toulouse),    p‰tit dÕune carence sŽrieuse en villes de classes  2 et 3 . Ces dernires sont au contraire largement reprŽsentŽes dans les autres pays dÕEurope : Barcelone, Milan , Turin, MŸnich, Francfort , Hambourg etc...appartiennent ˆ ces catŽgories intermŽdiaires,  les trs grandes villes qui, sans tre des mŽtropoles mondiales , exercent un fort rayonnement international.

A juste titre on met en relation cette analyse gŽographique avec lÕhŽritage du  centralisme franais : la structure urbaine fait que la capitale manque de contrepoids ˆ sa mesure et peut en effet expliquer une certaine faiblesse du pouvoir rŽgional (malgrŽ les progrs considŽrables rŽalisŽs depuis quarante ans , en termes dՎquipement ,  dÕautonomie de dŽcision et de rayonnement international par nos mŽtropoles rŽgionales, dites dÕ Ē Žquilibre Č ).

A tort en revanche,  on imagine quÕune donnŽe aussi lourde que la structure urbaine , appartenant ˆ ce que Fernand Braudel  appelait   lÕhistoire longue, puisse  tre changŽe par un simple redŽcoupage de la carte administrative , voire une politique active dÕamŽnagement du territoire . La physionomie du paysage urbain franais , marquŽ par une forte hŽgŽmonie parisienne et une insuffisance de grandes villes de dimension europŽenne se rencontrait dŽjˆ au XIIIe sicle o on ne trouvait rien en France entre Paris (300 000 habitants)  et OrlŽans (30 000 habitants) . CÕest dire lÕinanitŽ de plans qui viseraient ˆ remettre en cause ˆ horizon humain cette structure.

DÕautant que notre  structure urbaine sÕinscrit dans une structure  europŽenne , elle aussi trs ancienne et stable . Celle-ci est marquŽe par une forte dichotomie (17) entre :

-                la diagonale carolingienne qui va des Pays-Bas ˆ la Sicile , zone de forte densitŽ dŽmographique et dÕintense  activitŽ Žconomique , riche en voies de communications de toutes sortes , marquŽe par un chapelet de nombreuses villes de classe 2 et 3 (pour parler comme Brunet) mais o ne se trouve aucune grande capitale politique ou ville  de classe 1 (sauf ˆ considŽrer que Rome en est une, mais la Ville Žternelle nÕa jamais dominŽ lÕItalie moderne comme Paris la France ou Londres lÕAngleterre ; quant ˆ Bonn , elle vient prŽcisŽment de cesser dՐtre une capitale , Bruxelles et Strasbourg Žtant  de nouvelles venues dans une configuration inŽdite ) ; cette diagonale  centrale, de Bruges ˆ Florence en passant par Cologne,   fut le territoire historique des grosses  rŽpubliques marchandes allergiques au pouvoir central .

-                le reste de lÕEurope , ˆ lÕOuest et ˆ lÕEst  de cette diagonale, espace traditionnellement dŽvolu au contraire ˆ des monarchies  centralisŽes organisŽes autour dÕune grande capitale : la France, la Castille, la Prusse , lÕAutriche , la Hongrie , plus loin la Russie . Ces grands capitales , le plus souvent produit dÕune volontŽ politique , y Žcrasent le reste du rŽseau urbain comme le pouvoir central y a longtemps  ŽcrasŽ le pouvoir rŽgional.

Ce schŽma peut bien entendu se compliquer ici et lˆ :  cas particulier de la Catalogne ou du Pays basque , existence de quelques grandes villes anglaises en dehors de Londres, du fait de la  RŽvolution industrielle .

Il reste quÕon a    une structure forte de lÕespace europŽen  . Tout se passe comme si la centralitŽ politique des p™les extŽrieurs et le dynamisme Žconomique de lÕaxe rhŽnan-italien  sՎtaient longtemps exclus . La puissance de lÕAllemagne moderne rŽsulte elle-mme de la conjonction esquissŽe en 1815 et rŽalisŽe en 1870 dÕun Etat centralisŽ , ˆ lՎcart de lÕaxe mŽdian ,   et de la partie la plus dynamique  de cet axe , la partie rhŽnane ,  de la conjonction de Berlin et de Cologne , de la Prusse et de la RhŽnanie. .

On ne sera pas ŽtonnŽ que prosprent ˆ proximitŽ de la diagonale carolingienne les modles fŽdŽraux : Allemagne fŽdŽrale, qui fut jusquÕen 1990  un Etat rhŽnan, ConfŽdŽration helvŽtique ou les Etats fortement dŽcentralisŽs : Italie. Le fŽdŽralisme espagnol, trs jeune comme on sait , qui semble faire exception ˆ cette rgle , puisque lÕEspagne se trouve ˆ lՎcart de lÕaxe mŽdian , a dÕabord pour but de rŽsoudre les problmes spŽcifiques ˆ la Catalogne et au Pays basque , problmes trs diffŽrents lÕun de lÕautre au demeurant. LÕAngleterre  est   au contraire depuis les  annŽes 1980 , conformŽment ˆ sa vraie tradition , une Etat   centralisŽ .

Mme si la tendance est incontestablement en Europe ˆ la dŽcentralisation ( sauf en Angleterre o les rŽformes Blair (18) nÕont que partiellement  remis en cause le centralisme thatchŽrien ), ce mouvement doit  tenir compte des rŽalitŽs historiques et gŽographiques : le modle des grandes citŽs  marchandes autonomes, fondement du fŽdŽralisme de type rhŽnan ne se transposera pas du jour au lendemain dans un pays qui fut longtemps celui de la  monarchie centraliste et des Ē bonnes villes Č royales. La CommunautŽ europŽenne qui prche la dŽcentralisation ˆ la Pologne, la TchŽquie, la Hongrie, la Russie , y fait la mme expŽrience.

La Ē dŽconstruction Č aussi bien que la  reconstruction sont Žtrangers ˆ lÕesprit du vrai libŽralisme, lequel est au contraire respectueux , non seulement des droits acquis, mais encore des rŽalitŽs historiques .

 

 

Une marge de manĻuvre limitŽe

 

Il rŽsulte de ces considŽrations que la marge de manĻuvre  pour  un nouveau train de dŽcentralisation est , en France , limitŽe , sachant que les solutions radicales , qui feraient violence aux rŽalitŽs existantes, semblent  heureusement exclues.

La plus radicale de ces solutions serait lÕinstauration dÕun fŽdŽralisme ˆ la franaise. ConformŽment ˆ la thŽorie fŽdŽrale, il  ne pourrait se faire quÕau bŽnŽfice du niveau 2 , donc des rŽgions. Cela impliquerait le transfert aux rŽgions dÕune partie du pouvoir lŽgislatif ou rŽglementaire . Mme si lÕon admet  la possibilitŽ de quelques mesures dÕadaptation pour des rŽgions ˆ la personnalitŽ tout ˆ fait singulire comme la Corse, personne nÕenvisage que le pouvoir central se dessaisisse de manire significative en cette matire  . Cela serait au demeurant paradoxal au moment o une grande partie du pouvoir de lÕEtat , au moins dans le domaine Žconomique, migre au contraire vers  Bruxelles.

Mais il est une autre direction,  au moins aussi importante,  que lÕon pourrait prendre sur la voie du fŽdŽralisme :  le transfert aux rŽgions du contr™le  des collectivitŽs locales de rang infŽrieur , y compris le dŽpartement , et dÕune faon gŽnŽrale de lÕapplication de la  lŽgislation dÕEtat   : les prŽfets, sÕil en reste, les inspecteurs dÕacadŽmie , les responsables  de la police rŽpondraient , dans un tel schŽma, devant le seul  pouvoir rŽgional ( la situation de la magistrature   restant  ˆ prŽciser).  Non seulement une telle logique  se  trouve aux antipodes  de notre tradition historique, mais encore  bien peu la souhaitent vŽritablement. Les rŽgions partent de si bas quÕelles ne sauraient si rapidement embrasser des pouvoirs aussi Žtendus et moins gratifiants que ceux dont elles disposent dŽjˆ . Les dŽpartements et les communes, conformŽment ˆ une logique qui a prŽvalu tout au long de la monarchie capŽtienne , prŽfrent la tutelle dŽbonnaire du reprŽsentant dÕun pouvoir central lointain,  plut™t que celle dÕun pouvoir rŽgional trop proche et , ˆ bien des Žgards, rival.

Une solution plus modŽrŽe , le sacrifice du dŽpartement au bŽnŽfice de la rŽgion , qui sÕen trouverait renforcŽe, est lui aussi  peu probable. Il faudrait un pouvoir national singulirement fort pour se rŽsoudre ˆ une  solution aussi radicale. LÕidŽe , plus modeste, dÕune meilleure rŽpartition des Ē blocs de compŽtence Č entre les collectivitŽs des diffŽrents rangs , qui aujourdÕhui se  trouvent en concurrence en de multiples domaines, revient rŽgulirement ˆ lÕordre du jour. Elle se heurte cependant au principe de lÕuniversalitŽ du suffrage populaire . Qui dit blocs de compŽtence implique que les Žlus de tel ou telle collectivitŽ seront a contrario incompŽtents dans dÕautres domaines. Or il  est difficile aux Žlus du suffrage universel ,  face ˆ un public peu informŽ , de se dŽclarer compltement incompŽtents dans une matire essentielle . Il y a  donc bien des chances que les tentatives de clarification futures nÕaient pas plus de succs que les prŽcŽdentes et que lÕenchevtrement des compŽtences demeure longtemps  une spŽcialitŽ  bien franaise.

Un autre choix devra sÕopŽrer entre les niveaux infŽrieurs dÕadministration ,  communes, communautŽs de communes et pays o au moins un niveau est de trop. Nous prŽconisons dՎpargner , sÕil est encore temps , la commune  pour toutes les raisons humaines et  historiques qui ont ŽtŽ dites , et de regrouper en revanche les communautŽs de commune (en abandonnant ce vocable ridiculement lourd) au sein de Ē pays Č aux compŽtences allŽgŽes .

Faute dÕinstaurer un vrai fŽdŽralisme ou de faire un choix clair entre rŽgion et dŽpartement, on peut penser que les rŽformes , si rŽforme il y a ,  nÕauront lieu quՈ la marge : la gestion des ports et des aŽroports, les Žquipements hospitaliers et mme universitaires , les routes aujourdÕhui nationales peuvent tre transfŽrŽes aux rŽgions ˆ condition de leur transfŽrer aussi  les ressources correspondantes . Nous restons , ce faisant, dans le cadre classique de la rŽgion  syndicat dÕinvestissement  tel quÕil  a ŽtŽ conu en 1972.  La formation professionnelle, qui revient comme le serpent de mer dans tous les projets de dŽcentralisation,  a dŽjˆ ŽtŽ transfŽrŽe en grande partie  . Mais la tendance naturelle des rŽgions a ŽtŽ jusquÕici, en ce domaine, de dŽlaisser les politiques nationales en faveur des exclus au bŽnŽfice des formations haut de gamme plus valorisantes. La lutte contre lÕ Ē exclusion Č demeurant une prioritŽ de tous les gouvernements, lÕEtat sÕy rŽinvestit ˆ intervalle rŽguliers devant ce quÕil faut bien appeler la carence des rŽgions. 

Mais pas davantage que le transfert du Ē contr™le administratif Č aux rŽgions  , personne nÕenvisage pour le moment   celui  des t‰ches de gestion lourde : personnels de lՎducation nationale, de la police , de lՎquipement etc.

De nouvelles pistes peuvent cependant  tre explorŽes .

La premire est  ˆ lÕordre du jour . Il sÕagit dÕattŽnuer le principe de lÕuniformitŽ juridique du territoire franais en permettant ˆ certaines rŽgions ˆ la personnalitŽ originale de bŽnŽficier dÕun statut dŽrogatoire . LÕidŽe dÕexpŽrimenter certains transferts de compŽtence dans telle ou telle rŽgion va dans ce sens . Encore quÕelle   tŽmoigne davantage des incertitudes des tenants dÕun Ē pouvoir modeste Č  que dÕune vŽritable philosophie . Mettre fin   ˆ la dualitŽ conseil rŽgional Š conseil gŽnŽral , f‰cheusement imposŽe par une dŽcision du Conseil constitutionnel en 1984,  en Corse et outre-mer, serait un moyen simple ˆ la fois de renforcer ces collectivitŽs atypiques et dÕy simplifier  lÕadministration !

La seconde , moins dans le vent,  serait de rel‰cher le marquage Žtroit que lÕEtat opre  sur  les entitŽs locales , en mettant fin au dogme du parallŽlisme reprŽsentation locale de lÕEtat- collectivitŽ locale tel quÕil sÕexprime aujourdÕhui tant au niveau rŽgional que dŽpartemental ( voire ˆ celui de lÕarrondissement-pays) .

LÕidŽe dÕun pouvoir interrŽgional , dŽstabilisatrice pour la collectivitŽ rŽgionale , pourrait en revanche tre envisagŽe au niveau de lÕadministration de lÕEtat . En resserrant sa reprŽsentation en 4 ou 5 grandes prŽfectures de rŽgion, on ne ferait dÕailleurs que retrouver le schŽma des IGAME de 1948 (19)  et calquer la structure de beaucoup dÕorganismes parapublics ou privŽs ( La Poste, les grandes banques etc.) qui , tout en conservant leur  rŽseau dŽpartemental , ont simplifiŽ leur  carte rŽgionale. Dans une structure de ce type, lÕadministration de lÕEtat serait  allŽgŽe et les rŽgions trouveraient un peu dÕair.

De mme ,  le maintien dÕune reprŽsentation forte de lÕEtat au niveau dŽpartemental , qui prŽserverait le statut des villes-chef-lieu , ne serait pas incompatible avec le transfert de certaines attributions de la collectivitŽ dŽpartementale vers les pays ou les grandes villes , ˆ supposer quÕon se rŽsolve ˆ sÕengager sur cette voie.

Aux niveaux infŽrieurs , cette dualitŽ nÕest en revanche pas ˆ instaurer puisque elle a toujours existŽ au sein du couple sous-prŽfecture Š commune.

 

Une autre direction , quÕil faut non seulement explorer mais promouvoir , est une meilleure responsabilisation financire des collectivitŽs locales. Il est temps  que chaque citoyen ait une idŽe claire de qui dŽpense quoi .

Cette responsabilisation constitue  un immense chantier . Elle  implique dÕabord  une substitution progressive de recettes fiscales aux dotations de lÕEtat , ce qui suppose que lÕon rŽnove les finances locales , toujours assises pour lÕessentiel sur les Ē quatre vieilles Č ( taxe sur le foncier b‰ti et non-b‰ti, taxe dÕhabitation et taxe professionnelle , instaurŽes en 1789 (20)  ) , ˆ la fois inŽquitables et de peu de rapport . Il implique aussi une diminution des subventions spŽcifiques au bŽnŽfice de subventions globales , et mieux encore de ressources propres . CÕest ce quÕa fait pour lÕessentiel lÕEtat en 1983. Mais rŽgions et dŽpartements continuent plus que jamais de Ē tenir Č  les communes gr‰ce ˆ des subventions spŽcifiques ˆ lÕattribution  discrŽtionnaire. Une telle clarification serait  bien sžr un considŽrable sacrifice pour tous ceux qui alimentent leurs rŽseaux  politiques  par  ce systme.

LÕeffet  redistributeur  quÕoprent dotations et subventions , des collectivitŽs les plus riches vers les autres (mais aussi quelquefois ˆ lÕinverse !) doit tre recherchŽ par dÕautres moyens , par exemple  par un systme de pŽrŽquation des ressources fort , tel quÕil existe en Allemagne.  Une telle pŽrŽquation est le seul moyen dÕempcher que la dŽcentralisation, comme cÕest la tendance naturelle,  nÕenrichisse les rŽgions riches et nÕappauvrisse les rŽgions pauvres. LÕIle-de-France (21)  Žtant , de loin, la plus riche des rŽgions , cette idŽe sÕest heurtŽe jusquÕici ˆ des obstacles  politiques qui pourraient tre un jour levŽs. 

Mais il ne suffit pas que les collectivitŽs locales sÕautofinancent ; il faut que les citoyens le sachent . Instaurer un rŽseau local de perception de lÕimp™t , distinct de celui de lÕEtat,  comme il en existe  pourtant chez la plupart de nos voisins,   serait trop cožteux ; cependant  lÕinstallation de recettes particulires dans les mairies, les h™tels de dŽpartement ou de rŽgion pourrait utilement contribuer   ˆ une meilleure instruction civique de nos concitoyens ! Si lÕon veut  tre libŽral en matire de  pouvoir local, il faut lՐtre jusqu'au bout .

 

Par-delˆ le problme  de la transparence des finances locales , nous retrouvons la question essentielle de lÕincidence de la dŽcentralisation sur le poids de la sphre publique. La question du libŽralisme porte sur deux curseurs : le premier sŽpare la responsabilitŽ de lÕEtat central de  celle  des pouvoirs locaux, le deuxime  la sphre publique de  la sphre privŽe, particuliers et entreprises. Il est clair que les deux curseurs ne circulent pas indŽpendamment lÕun de lÕautre.

Mme sÕil  est  en thŽorie possible de dŽcentraliser ˆ pŽrimtre public constant , il ne semble pas , nous lÕavons dit, quÕil y ait dÕexemple o la dŽcentralisation ne se soit pas traduite  par un alourdissement  des prŽlvements . Et  si lÕon nՎchappe pas ˆ lÕalternative entre lÕextension  des compŽtences des  pouvoirs locaux et la prŽservation de la sphre privŽe, dÕabord par une fiscalitŽ modŽrŽe, quel est le bon choix ? Il ne devrait pas faire de doute pour un vrai libŽral. 

 

 

 

 

Roland HUREAUX

NOTES

 

1.               Le principe de subsidiaritŽ est bien exposŽ dans lÕencyclique  Quadragesimo anno du pape Pie XI ( 15 mai 1931 ) ¤ 85-88  mais il ne sÕagit pas dÕune proclamation ex-cathedra .

2.               Ē Dans les domaines qui ne relvent pas de sa compŽtence exclusive, la CommunautŽ nÕintervient, conformŽment au principe de subsidiaritŽ , que si et dans la mesure o les objectifs de lÕaction envisagŽe ne peuvent tre rŽalisŽs de manire suffisante par les Etats membres et peuvent donc , en raison des dimensions ou des effets de lÕaction envisagŽe , tre mieux rŽalisŽs au niveau communautaire. Č (article 3B du TraitŽ de Maastricht). Il est ˆ noter que le principe de subsidiaritŽ ne sÕapplique, selon le traitŽ , quÕen dehors du champ de la compŽtence exclusive de la CommunautŽ.

3.               Voici un Žcho parmi dÕautres de cette dŽmonologie : Ē Ces quelques remarques sur lÕanticorporatisme de la culture politique franaise aprs la RŽvolution , ces remarques sur lÕEtat rationalisateur nous amnent ˆ faire un constat ŽlŽmentaire : cÕest que le bonapartisme constitue la quintessence de la culture politique franaise . CÕest en lui quÕont prŽtendu fusionner le culte de lÕEtat rationalisateur et la mise en scne dÕun peuple un. Le bonapartisme est aussi pour cela la clŽ de comprŽhension de lÕillibŽralisme franais Č (Pierre Rosanvallon) Le Figaro, 19 janvier 2001 ,  Ē LÕillibŽralisme franais Č.

 

4.     Jean-Paul Weber et Catherine GrŽmillon, Le prŽfet et ses notables, Paris 1964.

5.     On peut souponner que le poids ŽlevŽ des prŽlvements obligatoires   est en partie responsable du recul  de la France,  dans lՎchelle du PIB per capita , de la troisime ˆ la douzime place dans lÕEurope des Quinze, entre 1992 et 2002.  Pour mŽmoire , les taux de prŽlvements obligatoires Žtaient en 1999 de 26,2 % au Japon, 28,9% aux Etats-Unis, 36,3% au Royaume-Uni , 37,7% en Allemagne , 45,8% en France , qui nÕest dŽpassŽe que  par la Sude : 52,2 %.

6.     Source : CEDEF Š Ministre de lÕEconomie et des Finances.

7.     Jean Marensin, Ē LibŽralisme et centralisme en France et en Angleterre Č in   Commentaire , printemps 1990 .

8.     Ces propos para”tront iconoclastes au ComitŽ des finances locales, pourtant prŽsidŽ par le trs libŽral Jean-Pierre Fourcade ,  qui, plus que les ministres successifs de lÕintŽrieur , a la haute main   sur cette question.

9.     Jean-Jacques Rousseau , Le contrat social, Livre III, Chapitre II

10.  Op.cit. Livre III, Chapitre VIII.

11.  John Laughland , La libertŽ des nations , Franois-Xavier de Guibert, 2001.

12.  Il y avait au 1/1/1997 : 36560 communes en mŽtropole, 114 dans les DOM et 80 dans les TOM.

13.  Un candidat ˆ lՎlection prŽsidentielle de 2002 , Daniel Gluckstein ,  a pu recueillir sans difficultŽ les 500 signatures nŽcessaires par une campagne contre lÕintercommunalitŽ.

14.  Karl Marx , Manifeste du parti communiste , Mille et une nuits, page 43.

15.  Nous parlons de lÕAngleterre seule (qui  compte plus de 50 millions dÕhabitants) . LÕEcosse, le Pays de Galles et lÕIrlande du Nord ont un statut ˆ part.

16.  GIP Reclus, Les villes europŽennes, mai 1989, sous la direction de Roger Brunet. La documentation franaise .

17.  Roland Hureaux , Ē La diagonale carolingienne : les dynamiques europŽennes de lÕamŽnagement du territoire Č in Administration, oct-dŽc.1995.

18.  Le gouvernement Blair a tempŽrŽ le centralisme de Margaret Thatcher , notamment en rŽtablissant lՎchelon administratif du Grand Londres et en accroissant lÕautonomie de lÕEcosse et du Pays de Galles.

19.  Inspecteurs gŽnŽraux de lÕadministration en mission extraordinaires . Ce sont les anctres des prŽfets de rŽgion.

20.  LÕAssemblŽe constituante institua ces quatre taxes sous le nom de imp™t foncier b‰ti et non b‰ti, imp™t sur les portes et fentres, patente. Il sÕagissait ˆ lÕorigine dÕimp™ts dÕEtat sur lesquels les communes et dŽpartements instituaient pour leurs besoins propres des Ē centimes additionnels Č. Quand les Ē quatre vieilles Č cessrent en 1914 dՐtre perues par lÕEtat, seule resta la part additionnelle.

21.  Le revenu par tte de lÕIle-de-France se situe 70 % au-dessus de la moyenne franaise.