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Les critiques et commentaires:
" Rochet a des choses importantes à dire sur les politiques nécessaires pour gérer linnovation et léconomie. Le regard quil pose sur lappareil étatique français est tout à fait pertinent. Le message de lauteur nest certainement pas spécifique à la France et est dintérêt un peu partout en Occident. Il est à espérer que dans ses publications futures, Rochet continue à être percutant en continuant à sattaquer à la sagesse du laissez-faire, tout en adoptant un style un peu moins imposant."
Ian Roberge, professeur agrégé au département de science politique du Collège Glendon, Université York Éditeur adjoint de la Revue de linnovation.
Le livre de Claude Rochet, (...) est une bouffée dair. Sur le fond parce quil tranche sur le discours désespéré sur lEtat et son coût. Sur la forme car une plume libre sy allie avec la plus grande rigueur de pensée. Il développe une thèse selon laquelle lEtat nest pas un poids mort quil sagirait de rendre plus efficient, ce qui revient à le réduire à des thèses mercantilistes selon lesquelles moins son intervention sur le marché existe, plus la main invisible de ce dernier peut autoréguler le progrès et la richesse. (Suite)
Dear Claude Rochet
Thanks to Erik Reinert I was able to take a look at your recent book about innovation and government policy. I think it is an extremely important work and I feel very pleased indeed to have been quoted so often and so accurately. One does not usually feel so well understood. It was also very rewarding to see my work and that of my most esteemed colleagues as contributing pieces in such a powerful book.
Congratulations and many thanks.
I am going to buy the book as soon as possible and I will recommend it to all my French speaking colleagues and policy makers, especially in Latin America where it will be of great use.
Carlota Perez
Visiting Senior Research Associate, CFAP/CERF, Judge Business School, Cambridge University, UK
Professor of Technology and Development, Technological University of Tallinn, Estonia
Honorary Research Fellow, SPRU, University of Sussex, UK
Le Mensuel de l'Université
Revues des anciens de l'ENA
Le Cercle de l'innovation
Alternatives Economiques
Plateforme2007.net
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Extraits:
Ceux qui perdent, ceux qui gagnent : retour de la Chine, déclin européen
Les pays leaders, à l'heure de la III° révolution industrielle, sont ceux qui savent développer une pensée politique appropriée au développement des opportunités technologiques. Cette pensée inclut l'art de la triche que Friedrich List a décodé le premier avec « la stratégie du retrait de l'échelle » qui a consisté, pour les Anglais, à prôner aux autres le libre-échange pour écouler la production de leur industrie qu'ils avaient édifiée à l'abri du protectionnisme. L'art de la triche fait partie du jeu des puissances, il est de faire croire à ses concurrents qu'il existe une gestion optimale unique de l'économie valable en tous temps et en tous lieux. La protection et le libre-échange ne sont jamais des solutions bonnes en elles-mêmes, mais font partie d'une stratégie de constitution d'actifs technologiques. Les pays gagnants sont ceux qui savent animer ce mouvement en mettant la politique et la stratégie aux commandes, les pays perdants sont ceux qui se laissent engloutir dans les marais de l'idéologie.
Nous en avons sous les yeux deux exemples : le retour de la Chine et l'effondrement de l'Europe.
A. 1. Le retour de la Chine
En 1405, L'amiral Zheng He a conduit sept flottes chinoises, un total de 27 000 hommes, vers plus de trente pays et régions d'Asie et d'Afrique au XVe siècle. Il a découvert le nouveau monde 70 ans avant Christophe Colomb et exploré l'Afrique, dans un but essentiellement commercial, loin de tout esprit de conquête et de colonisation, que ne manquent pas de souligner les dirigeants chinois actuels qui procèdent à sa réhabilitation.
Les expéditions maritimes de Zheng He illustrent le plus haut niveau de l'ancienne Chine en matière de commerce extérieur. On estime à 100 000 le nombre de personnes qui ont voyagé vers les océans de l'Ouest pendant la période des sept expéditions de Zheng He de 1405 à 1433. Ces voyages ont eu une double influence, car les voyageurs rapportaient leurs expériences positives d'autres pays, ce qui aidait à améliorer la vie des gens de leur pays, particulièrement dans les provinces du Fujian et du Zhejiang. Inspirée par Zheng He, la population locale s'est lancée peu à peu dans le commerce extérieur. Toutefois, quand la cour des Ming a officiellement mis fin aux expéditions, le commerce individuel s'est poursuivi dans les régions côtières. Des groupes de marchands surtout du Fujian et du Guangdong se sont risqués vers le continent américain, et des pays d'Amérique latine comme le Mexique sont devenus des postes de commerce très actifs du marché mondial.
Zheng He avait donc catalysé le commerce outre-mer en région côtière où le commerce par bateau était des plus prospère. On peut dire que les activités commerciales autour de l'océan Pacifique menées par les marchands des Ming et les gens d'affaires d'Europe ont indiscutablement contribué à la montée du capitalisme européen au XVII° siècle.
Zheng He a précédé Christophe Colomb, Vasco De Gama et Magellan dans l'histoire de la navigation et a beaucoup contribué à l'amélioration des connaissances dans ce domaine. Le nombre de bateaux et la capacité de chargement des flottes de Zheng dépassaient largement ceux de ses successeurs plusieurs décennies plus tard. Ses navires étaient équipés de boussoles, compas, gouvernails arrière et voiles dirigeables. Des compartiments étanches sous les ponts empêchaient les bateaux de couler. L'art de la navigation aux instruments de même que les prévisions météorologiques atteignait un haut niveau.
Les expéditions de Zheng enrichirent les connaissances géographiques et élargirent l'horizon du peuple chinois. Des membres d'équipage rédigèrent le récit de leurs aventures, décrivant en détail les lieux visités, la situation locale, les croyances religieuses et les coutumes folkloriques et jusqu'au climat. Grâce à eux, les Chinois découvrirent les peuples et la culture autour du nord de l'Océan Indien, de la mer d'Arabie, et la mer Rouge et de la côte orientale africaine.
La Chine, leader technologique du monde jusqu'au XVIII° siècle, après avoir dominé les mers par la puissance de la flotte de l'amiral Zheng He, fut victime de la décision erronée des empereurs Ming au XV° siècle de fermer les côtes et d'interdire la fabrication des bateaux de haute mer. Cette décision est typiquement le fruit d'un conflit au sein des élites pour les idées dominantes. Zheng He était un eunuque musulman, soutenu par les commerçants. Or, les eunuques s'opposaient aux mandarins qui étaient la caste de fonctionnaires lettrés, recrutés par concours, traditionnellement tournés vers l'aménagement des infrastructures de la Chine intérieure pour dompter ses cours d'eau. Confucéens, ils ne classaient pas le commerce au rang des activités nobles. De plus, les Ming accrurent considérablement le nombre et les prérogatives des eunuques, initialement dédiés au gynécée et à la gestion de la famille impériale. L'hostilité des mandarins eut finalement raison des expéditions de haute mer.
Pour des historiens de la Chine comme Joseph Needham ou John Fairbank, cette décision fut à l'origine de la stagnation technologique de la Chine. D'une part, elle bloqua l'ascension de la classe des marchands et le développement du capitalisme. D'autre part, seule cette classe est historiquement parvenue à abolir la distinction entre travail intellectuel et travail manuel sans laquelle toute pensée du développement est impossible. Les mandarins, en institutionnalisant cette coupure dans leur lutte contre les marchands et les eunuques, bloquèrent toute possibilité de progrès scientifique et technologique.
La Chine pesait 30% du PIB mondial à la veille de la guerre de l'opium qui n'en fera qu'une puissance résiduelle ne pesant plus que 1% du PIB mondial en 1949. C'est Deng Xiao Ping qui entreprit la révision radicale de cette dépendance de sentier politique liée à des idées erronées. Il n'a pas eu pour autre objectif que de ramener la Chine là où elle doit être : l'Empire du milieu et la première puissance du monde. Sa politique « s'ouvrir et se réformer », est présentée comme une apologie du libre-échange alors qu'il s'agit en pratique d'une stratégie typiquement « à la Friedrich List ».
Le développement de l'industrie de l'ordinateur est un bon exemple de cette stratégie : elle a pris pour assise les investissements en science et technologie réalisés par l'économie communiste planifiée, pour se diriger progressivement vers la constitution d'industries compétitives de niveau mondial. Avant la réforme économique des années 1980, le marché était totalement assuré par la commande publique, essentiellement militaire. Si l'on en était resté à une logique d'avantages comparatifs, la Chine se serait contentée d'acheter ses ordinateurs à l'étranger. Mais le marché mondial fournissait peu de claviers avec caractères chinois et le gouvernement y a vu là une opportunité d'innovation pour laquelle des ingénieurs chinois ont été invités à créer des entreprises. Ce faisant, le gouvernement a dessiné les contours d'un nouveau système national d'innovation basé sur une politique publique de la science et de la technologie adossée à l'ancien système centralisé et la création d'entreprises où se réalise le véritable travail d'innovation et de création de connaissance. Cet exemple permet de sortir de l'alternative stérile « Etat ou marché » dans laquelle l'économie néo-classique s'enferme (Lazonick, 2004).
« S'ouvrir », dans la politique de développement de la Chine, n'a de sens que dans une stratégie d'acquisition d'actifs technologique par le développement de l'investissement direct à l'étranger dont elle est devenue le principal bénéficiaire, et par l'importation de technologie guidée par une stratégie de transformation de l'avantage comparatif et de la dotation de facteurs (Lin, 2001). « Se réformer » est effectuer les réformes progressivement, en vidant le secteur public obsolète de l'époque communiste au fur et à mesure que se développe l'économie de marché, et surtout en inventant une voie indigène (Lazonick, 2004) de développement économique qui correspond à l'histoire, à la culture et au besoin d'évolution institutionnel de la Chine. C'est dans ce sens qu'il faut décoder l'apologie du libre-échange par le professeur Justin Li Fu Lin (2001), qui explique fort bien qu'une stratégie de protection des industries dans l'enfance n'est pas d'acquérir de la technologie pour elle-même, ce qui entraînerait la persistance d'une situation de protection et donc la recherche de rentes, mais la modification de la dotation de facteurs de production de l'économie chinoise. La politique d'ouverture de la Chine est totalement guidée par cette stratégie proactive du gouvernement, qui se garde bien par ailleurs d'ouvrir son marché des capitaux comme le voudraient les canons de l'économie néoclassique !
En faisant semblant de prôner un libre-échange sans limites et la théorie des avantages comparatifs « à la Ricardo », la Chine montre qu'elle a appris elle aussi que la triche faisait partie de la règle du jeu de la compétition internationale, et renouvelle à sa manière la « stratégie du retrait de l'échelle ».
A. 2. L'erreur européenne
La stratégie de Lisbonne, adoptée en 2000, qui vise à faire de l'Europe « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale » peut, à première vue, apparaître, comme une stratégie « à la Friedrich List » ou « à la Schumpeter » de coordination des politiques publiques pour l'accumulation d'actifs technologiques stratégiques. Sept ans après cette déclaration ronflante, il n'en est rien et l'élargissement successif à des pays de niveaux de développement différents, bien loin d'être un processus de destruction créatrice schumpétérien, est un magnifique exemple de « destruction destructrice ». Que s'est-il passé ?
La stratégie de Lisbonne n'est en fait qu'une cerise sur un énorme gâteau de théorie économique néoclassique sur lequel est bâtie la construction européenne, surtout depuis les années 1990, avec le « marché unique » et le Traité de Maastricht. Si les économistes de l'Ecole de Chicago abhorrent l'intervention de l'Etat, ils ne trouvent pas à redire quand le maire de Chicago, Richard Dailey, crée une zone d'incubateurs d'industries high-techs ! Le pragmatisme américain l'emporte toujours quand la réalité contredit l'idéologie, qui devient un produit réservé à l'exportation dans une stratégie bien comprise de « retrait de l'échelle » qui invite les concurrents à se tirer une balle dans le pied.
Un tel pragmatisme est absent de la « construction européenne », embourbée dans un marais d'idéologies confluentes. L'économiste norvégien qui anime le courant The Other Canon opposé au courant dominant, voit dans les premières années de l'histoire de l'Union une stratégie économique listienne permettant à des pays de niveaux de développement économique semblable de gérer des stratégies communes de développement industriel, période qui va jusqu'à l'intégration de l'Espagne et du Portugal, et qui fut une relation gagnant-gagnant entre ces pays. Bien que les idées néoclassiques prédominassent dans la théorie économique, la stratégie listienne prédominait encore dans les faits jusqu'à l'accélération de l'intégration avec le marché unique et l'élargissement. Dans les années 1990 ce sont les idées de Ricardo qui reviennent à la barre, avec les théories d'égalisation des facteurs de production, du libre-échange bon en soi, l'offensive générale contre les services publics et surtout, toute forme de politique industrielle, devenue, comme le constate Bernard Carayon, un « gros mot » qu'aucun membre de l'élite ne saurait plus prononcer sans passer pour un demeuré.
Plus, avec l'intégration de pays de niveau de développement différent, la construction européenne est amenée à se lancer dans la voie du « colonialisme du bien-être », selon l'expression de l'anthropologue Robert Paine. Le colonialisme classique repose sur une relation de développement inégal entre le centre et la périphérie qui est spécialisée dans des productions à moindre valeur ajoutée tout en devant acheter les productions à valeur ajoutée du centre. C'est une relation gagnant-perdant.
Mais, dans le colonialisme du bien-être le processus s'inverse : les flux financiers vont essentiellement vers la périphérie et l'intégration des populations de la périphérie vient menacer les standards de vie de la population du centre. Celui-ci est alors obligé de financer les pays de la périphérie pour sauvegarder son niveau de vie : non seulement il se ruine, mais il enraye le développement de ces pays en les maintenant dans l'assistanat. C'est alors une dynamique perdant-perdant qui s'installe avec une marche vers l'appauvrissement généralisé. Les chiffres qu'alignent Reinert et Kattel (2004) montrent qu'en pratique c'est le plan Morgenthau qui est à l'uvre, ce plan qui initialement devait réduire l'Allemagne de l'après-guerre à une zone agricole sans potentiel industriel, et qui fut abandonné au profit du plan Marshall. Désindustrialisation, chômage de masse, désintérêt pour la R&D, déséquilibre des finances publiques liés aux charges d'assistanat et de sous-activités
Un retour aux idées de List arrangerait-il les choses, comme le plaide avec conviction Erik Reinert ? Nous ne pensons pas que cela soit possible car la prédominance des idées listiennes dans le premier âge de la construction européenne a été conjoncturelle et n'était pas dans le schéma des « pères fondateurs ». List était un patriote prussien qui revint dans son pays avec rang de consul des Etats-Unis avec la conviction que politique de puissance politique et économie étaient indissolublement liées. Pour exister face aux Etats-Unis et à l'Angleterre, la Prusse devait fédérer les Etats allemands, ce qu'elle entreprit par le Zollverein - l'union douanière - conclu en 1833. Cette politique de puissance débouchera sur le pangermanisme et la création du II° Reich après la victoire sur la France de 1870, principalement due à l'application des théories de List sur le rôle des chemins de fer.
Dans ses recherches sur les « sources troubles de l'idée européenne », John Laughland (2001) établit le lien clair entre construction européenne et domination de la Mitteleuropa par l'Allemagne. La construction européenne a toujours été portée par la géopolitique allemande et son désir de contrôler l'espace européen qui a convergé avec le désir des Etats-Unis d'en faire une zone de libre-échange ouverte à leurs produits. Elle a pu apparaître comme de facto une extension de la stratégie de Friedrich List à l'ensemble du continent - bien qu'il n'ait jamais manifesté de volonté expansionniste - soit commencer par l'union douanière pour bâtir l'unité politique. C'est pour cette raison que le Général de Gaulle ne remit pas en cause le traité de Rome, mais en exigeant une application strictement listienne de coopération économique entre Etats libres et égaux, s'opposant à toute dérive supranationale voulue par les « pères fondateurs ». Mais c'est bien celle-ci qui est au cur de la « construction européenne » et non une stratégie de coopération.
Enfin, la construction européenne est la réalisation du rêve saint-simonien de remplacement du gouvernement par l'administration et de dépolitisation de la vie publique par le règne des experts, renforcé par le positivisme logique qui aura dominé le XX° siècle .
Le tout donne ce curieux cocktail d'idéologie néolibérale en économie qui rejette le rôle de l'Etat et de centralisme bureaucratique géré par une caste de plus de 30 000 fonctionnaires dont le but avoué est d'en finir avec l'Etat nation. Ils ne sont pas sans rappeler les mandarins de l'ancienne Chine et ont, dans les faits, le même effet dépressif sur le progrès scientifique, technologique et social.
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