Commentaires sur le livre blanc

" l'e-gouvernement en France "

de la firme EDS

A l¹occasion de l'installation du nouveau gouvernement et notamment d&Mac185;un nouveau ministre de la Réforme de l&Mac185;Etat, la firme EDS [1] publie un livre blanc sur le « e-gouvernement ». Partant d¹un constat d¹un « retard français » apparent, EDS propose que le recours aux TIC se tourne maintenant vers la reingéniérie des processus métiers pour dégager de réels gains de productivité et avance une solution, l¹externalisation des fonctions systèmes d¹information de l¹Etat vers des firmes comme EDS au nom du « partenariat » entre le public et le privé comme cela est le cas dans plusieurs autres pays cités en exemple.

Ce livre mélange plusieurs séries d¹arguments qui méritent d¹être analysés et remis en perspective pour évaluer l¹intérêt et les risques d¹un tel « partenariat ».

 

L¹incidence des TICs sur la productivité se mesure à moyen et long terme

Les technologies de l¹information ont une incidence encore mal connue sur la productivité. La recherche s¹accorde pour constater la fin du « paradoxe de Solow » (soit la corrélation négative entre la croissance de la productivité et celle des investissements informatiques) depuis 1995. Mais il est très délicat de faire la part des facteurs conjoncturels et de l¹impact réels des TIC sur la productivité. Les gains de productivité profitent surtout aux vendeurs de technologie et sont concentrés sur une minorité de secteurs : la moitié de la contribution de l¹informatique à la croissance française se concentre sur 13 secteurs INSEE sur 90. Globalement, la croissance des coûts informatiques n¹a pas été compensée par des gains de productivité significatifs [a] .

Si l¹on peut s¹accorder à penser aujourd¹hui que l¹impact des TIC sur les processus de production et les organisations relève de la « révolution industrielle » par les bouleversements induits, ces bouleversements s¹inscrivent dans le temps long.

 Une récente étude du FMI [b] souligne la similitude entre la présente révolution technologique et les révolutions passées, celles de la vapeur et de l¹électricité : Après un premier impact sur la productivité lié à la substitution du capital au travail, accompagné de promesses illimitées de productivité qui provoquent une envolée des cours de bourse, on entre, après la purge de la bulle spéculative et un retournement de conjoncture, dans une période d¹ajustement structurel, reposant sur l¹évolution des métiers et la transformation des organisations.

Il y a alors un changement de paradigme techno-économique, qui est un cycle long de type « cycle de Kondratiev » dont la durée moyenne est de cinquante ans, entre le moment où la technologie sort du laboratoire pour devenir une innovation économique et celui où ce nouveau paradigme arrive à maturité [c]

Ce changement n¹est pas seulement lié à la diffusion de la technologie mais aussi ­ et sans doute surtout, car c¹est ce qui va provoquer une véritable différenciation concurrentielle - à l¹évolution du cadre institutionnel et réglementaire créé par les politiques publiques et qui va permettre la diffusion de l¹innovation.

Cette innovation est principalement incrémentale : il n¹y a eu que deux innovations de rupture le siècle dernier en matière de technologie de l¹information : l¹invention de l¹ordinateur en 1945 et celle du microprocesseur en 1971.

L¹innovation se réalise par combinaison de technologies et la recherche de nouvelles architectures. C¹est « l¹innovation par grappes » que décrivait déjà Schumpeter au début du siècle dernier qui procède d¹apprentissage par essais et erreurs (« learning by doing ») et qui repose sur l¹apprentissage organisationnel. Elle dépend donc plus de la qualité des institutions, du climat social et de confiance qui y règne que de la technologie de base en elle-même.

Le discours sur le « changement », présenté comme une « ardente obligation » à laquelle il faudrait se rendre sans plus attendre est actuellement le discours dominant promu par les fournisseurs de technologie, doit donc être fortement nuancé.

Ainsi, la formule employée par EDS « La France a tardé à accepter toutes les contraintes de la nouvelle révolution industrielle » n¹a pas grand sens : la révolution industrielle est encore largement devant nous et se présente comme des opportunités à saisir et non comme des contraintes. Les technologies ne sont pas porteuses de sens en elles-mêmes : elles ne font que créer des possibilités de transformer en profondeur les processus et les organisations. EDS a raison de souligner qu¹après la première phase qui a porté son effort sur le « front office » il faut maintenant mettre l¹accent sur le « back-office » et la reingéniérie des processus administratifs, ainsi que sur la couche basse qu¹est l¹interopérabilité entre systèmes hétérogènes.

Mais alors que EDS propose de s¹en remettre à un processus d¹adaptation à la technologie, c¹est plutôt vers un processus d¹invention de nouvelles formes d¹organisation qu¹il faut se diriger. La différence n¹est pas que sémantique : s¹il ne s¹agit que de s¹adapter cela veut dire s¹en remettre, pour la conduite des projets systèmes d¹information, à la maîtrise d¹¦uvre et à l¹achat de technologies clés en main. Si à l¹inverse, il s¹agit, pour l¹administration de réinventer les modèles d¹activités de certaines politiques publiques (comme, par exemple, l¹achat public ou l¹information géographique) en mettant à profit les technologies de l¹information, c¹est sur une maîtrise d¹ouvrage basée sur les métiers et redéfinissant les enjeux stratégiques qu¹il va falloir s¹appuyer.

Quel partenariat entre le public et le privé ?

La proposition de EDS est claire : il s¹agit d¹externaliser (« outsourcing ») les fonctions systèmes d¹information de l¹administration auprès de firmes privées.

Pour évaluer cette proposition, il faut analyser les enjeux pour des firmes comme EDS de « l¹outsourcing » et pour l¹administration de développer une compétence informatique en interne.

Comprendre le « business model » des fournisseurs

Les grands fournisseurs sont aujourd¹hui, comme EDS, liés à une société de conseil (EDS a pour filiale AT Kearney) car le passage d¹une informatique d¹automatisation à une informatique de production implique une reingéniérie des processus fortement consommatrice de conseil en organisation. Les cas les plus extrême sont l¹implantation des progiciels de gestion intégrés (PGI ou, en anglais, ERP) où pour un jour d¹informaticien on compte 9 jours de conseil en organisation. Dans la pratique, la baisse spectaculaire du coût des technologies, non seulement des coûts unitaires mais surtout celle des coûts d¹usage, dits « coûts hédoniques », est largement récupérée par les fournisseurs par le biais de la vente de prestations de conseil associées à la mise en place des systèmes.

Le « business model » de ces firmes a largement été perverti par la bulle spéculative qui a anticipé des gains de productivité irréalistes. L¹étude du FMI souligne que le bénéfice de l¹innovation technologique va majoritairement vers le client final par la baisse des coûts hédoniques et a un faible impact sur la profitabilité des firmes clientes. Pour ne pas décevoir les marchés financiers, les firmes technologiques sont amenées à gonfler leurs résultats trimestriels, et notamment le « Q4 » de l¹année fiscale, en forçant les ventes par des promesses alléchantes aux services informatiques d¹entreprise. Ce sont souvent des versions bêta qui se retrouvent ainsi commercialisées comme version 1.0, le client se voyant facturé un coût de mise à jour qui correspond en fait à une externalisation des coûts de développement du fournisseur.

La « changeomannie » promue par les fournisseurs permet d¹alimenter des programmes dits « d¹obsolescence programmée » qui justifient des changements de version coûteux imposés aux clients sans valeur ajoutée tangible. L¹idéologie du changement permet à la fois d¹accélérer le rythme des ventes de technologie et également, dans les rapports soulignés plus haut, des prestations de conseils pour « combattre la résistance au changement » des utilisateurs, rendus responsables de l¹échec de projets mal conduits.

Cette idéologie se manifeste par la prolifération de termes jargonneux, le e-jargon, déclinaison du e-business. Mais comme l¹écrit le président du CIGREF [d] « le e-business est présenté comme un accélérateur efficace de décision et d¹action. C¹est donc aussi le moyen le plus efficace d¹aller très vite dans la mauvaise direction ».

EDS cite comme exemple de succès de e-gouvernement l¹expérience de Parthenay, première ville numérisée de France. Si cette expérience a pu effectivement répondre aux besoins des fournisseurs, elle n¹a pas répondu aux attentes des « e-gouvernés » puisque tous les « e-maires » (Parthenay, AgdeŠ) ont été battus dès le premier tour des élections municipales de 2001.

L'idéologie du « e » s¹accompagne également de celle du « X to Y », sur le modèle du « B to B ». On vit ainsi apparaître le « A to C » (« Administration to Citoyen ») dans le rapport du député Thierry Carcenac en 2001.

Derrière le e-jargon se cache en fait « faiblesse de la vision stratégique, mauvaise adéquation des produits et des services à l¹attente des consommateurs, surestimation des gains et sous estimation des gains dans des business cases pharaoniques, et plus que tout, arrogance des dirigeants impatientsŠ » [e] . Cette faiblesse de la vision stratégique se retrouve dans le livre blanc par les utilisations pour le moins surprenantes proposées pour les technologies : le « e-learning » -dont la vogue en entreprise est déjà passée ­ est ainsi proposé pour traiter les élèves en difficultés par des « moniteurs formés par des entreprises comme EDS », qui assureraient la formation de la génération suivante. De même, le citoyen, par la vertu d¹internet, pourrait « se réapproprier en quelque sorte son identité administrative et civique ».

Ce verbiage inconséquent qui attribue des vertus thaumaturges à la technologie n¹a bien sûr comme objet que de promouvoir les intérêts économiques des fournisseurs.

Il importe donc de ne pas y adhérer avec l¹effet d¹amplification qu¹apporte le zèle du nouveau converti, pour identifier et gérer avec raison les enjeux propres à l¹administration.

Convergences et divergences des enjeux des fournisseurs et de l¹administration

La valeur ajoutée des systèmes d¹information dépend de leur alignement sur les enjeux des métiers. Le métier des directions des systèmes d¹information (DSI) est donc de comprendre ces enjeux et de proposer des solutions à partir des possibilités de la technologie. C¹est une tâche difficile, puisqu¹elle suppose d¹avoir des informaticiens, à tout le moins des DSI, qui comprennent les enjeux des métiers et soient à même de formuler des propositions dans le langage des métiers et non dans le langage abscons de l¹informatique.

Le succès d¹un projet S.I. réside dans le dialogue entre une couche basse (la connaissance des technologie) et une couche haute (les enjeux stratégiques). De ce dialogue résultera la conception d¹un nouveau modèle d¹activité avec ses conséquences sur la réorganisation des processus.

Si l¹administration perd la maîtrise de la couche basse en « outsourçant » sa compétence S.I. chez des fournisseurs comme ceux-ci y poussent, elle perd toute capacité d¹animer concrètement ce dialogue et en est réduite à s¹en remettre aux promesses des fournisseurs.

A l¹opposé, si les DSI ne restent que dans les couches basses, cultivant leur coupure avec les métiers, ces derniers sont privés de toute appropriation des possibilités de la technologie : on reste dans une logique d¹automatisation de l¹existant et non de reconfiguration des modèles d¹activité.

L¹enjeu actuel de la fonction S.I. est donc de cumuler une connaissance fine de la technologie et une orientation métier de manière à évaluer la valeur ajoutée des investissements informatiques du point de vue de la valeur apportée aux métiers.

Si l¹innovation dans l¹offre technologique reste indiscutablement du domaine des fournisseurs, (SSII, éditeurs, consultantsŠ), la reconfiguration des modèles d¹activités sous l¹impact des T.I. ne peut être qu¹une compétence de l¹administration.

Cela n¹est possible que si la fonction S.I. garde une connaissance fine de l¹évolution du marché et de l¹offre car la base de son métier reste l¹achat de ces technologies.

S¹il y a convergence d¹intérêt entre l¹administration (et des clients en général) et ceux des fournisseurs sur la diffusion de la technologie, il y a divergence sur le maintien d¹une fonction S.I. chez les clients qui puisse jouer pleinement son rôle de critique et de sélection de l¹offre.

 

Les enjeux de la fonction S.I. dans l¹administration

Entre l¹abandon de toute compétence technologique aux fournisseurs et le discours généraliste du «  e-jargon », il est urgent de développer dans l¹administration des compétences spécifiques pour pouvoir intégrer avec bénéfice les technologies de l¹information.

La maîtrise d¹ouvrage de programme de reconfiguration

Le but des projets technologiques n¹est pas l¹implantation d¹une technologie comme s¹il ne s¹agissait que d¹automatiser une fonction (la paye) mais la reconfiguration d¹une organisation et de ses processus.

Cette innovation organisationnelle ne peut résulter que d¹un pilotage par une maîtrise d¹ouvrage stratégique puissante  représentant les métiers, cernant pleinement tous les enjeux, capable de reconfigurer l¹ensemble des processus impactés. Une maîtrise d¹ouvrage trop faible- qui n¹aurait pas intégré que les grands projets technologiques ne sont pas des projets informatiques mais des projets stratégiques- est le principal facteur d¹échec des projets car l¹on fait alors de la reingéniérie des processus pour que l¹organisation puisse entrer dans l¹architecture définie par la technologie (c¹est particulièrement le cas dans les projets ERP) et non l¹inverse ! [f]

Le rôle principal de la maîtrise d¹ouvrage est de formaliser la nouvelle organisation possible et souhaitable résultant de l¹utilisation des nouvelles technologies et de valider, au regard de ces enjeux, l¹ensemble des projets technologiques participants à un programme de reconfiguration.

A cet égard, il est urgent d¹entreprendre un retour d¹expérience du projet ACCORD et des difficultés qu¹il a rencontrées, principalement dues à une carence initiale dans l¹organisation de la maîtrise d¹ouvrage et dans la définition du périmètre du projet.

L¹expression « e-gouvernement » employée par EDS est trompeuse : elle laisse planer l¹illusion que l¹activité de gouverner pourrait se réduire au choix de la bonne technologie. Or, gouverner n¹est pas géré et les décisions de maîtrise d¹ouvrage sont des décisions stratégiques qui se prennent dans le doute et l¹incertitude et consistent essentiellement à pondérer une prise de risque face aux promesses des technologies. Cette expression est donc à bannir au profit de « l¹administration électronique » pour tout ce qui concerne le « front-office » (les services en ligne aux usagers) et la « reingéniérie des processus » pour tout ce qui concerne le « back-office ».

Des compétences d¹architecte et d¹urbaniste

La réflexion sur la stratégie des administrations publiques ne se sépare pas de la réflexion sur leur S.I. qui fournit à la stratégie son langage et son découpage conceptuel. Les deux doivent être conçus ensemble.

Aussi, la définition de l¹architecture du S.I. est ­elle un exercice qui peut se révéler plein d¹ambiguïté, les questions de découpage de l¹organisation s¹exprimant en langage de technique informatique alors qu¹il s¹agit de réels problèmes de stratégie.

Le codage des données est généralement un sujet de conflit et pose les questions stratégiques essentielles: codifie-t-on plutôt à partir des livrables aux usagers et bénéficiaires ou à partir d¹actes de gestion internes ? A-t-on la volonté de s¹attaquer aux tables de codages hétérogènes qui nuisent à l¹intégrité et à la cohérence stratégique des données mais permettent de faire perdurer les cloisonnements organisationnels ?

Le système d¹information est l¹une des premières victimes du compromis managérial, particulièrement fort dans le secteur public, qui fait perdurer ces cloisonnements et les féodalités internes à l¹établissement : on passe vite du système au machin mal proportionné et coûteux. On va prêter attention aux détails alors qu¹il faut mettre l¹effort sur l¹ensemble. C¹est l¹intérêt du concept d¹urbanisation des systèmes d¹information qui signifie la systématisation des architectures de chaque projet et le position de chaque projet dans une vision globale du système, qui va s¹exprimer par des "maquettes", une présentation synthétique de la solution, sans être noyé dans les détails [2] .

La démarche consiste à distinguer les données des traitements et à organiser le système d'information en fonctions indépendantes les unes des autres. On définit ainsi une architecture fonctionnelle.

L¹instance de pilotage de l'informatisation de ces fonctions est le fait de la maîtrise d¹ouvrage stratégique, attachée, non à un projet, mais à l¹architecture de ces de fonctions au niveau du système d'information. Tout comme superviser le développement d'un quartier et construire un immeuble sont deux responsabilités différentes.

Le développement des logiciels libres devrait favoriser cette évolution d¹une informatique dépendante d¹éditeurs de progiciels à une informatique axée sur l¹ingénierie système en recourant notamment à des méthodes agiles, beaucoup plus légères et moins coûteuses comme l¹approche objet et le développement d¹application selon les normes UML (Unified Modeling Language) qui permettent de faire le lien entre les applications nouvelles et les systèmes en place sans procéder à un bouleversement radical dont le coût et le risque sont aujourd¹hui très élevés et avérés.

 

Conclusions et recommandations :

Le monde de la technologie et de l¹innovation est par nature incertain et à risques. Que les fournisseurs cachent cette dimension et prêtent à leur technologie des propriétés thaumaturges est dans l¹ordre des choses dans la conjoncture de techno-lyrisme alimentée par la bulle spéculative.

Son éclatement devrait favoriser le retour à une vision raisonnée de l¹innovation et de ses impacts sur la productivité et les bénéfices que peuvent en retirer les citoyens.

L¹innovation dans les services rendus repose étroitement sur l¹innovation dans les processus : la mise en ligne des formulaires administratifs a fait apparaître la nécessité d¹en évaluer l¹utilité, de les repenser, d¹en réduire le nombre et de commencer à simplifier le processus de gestion qu¹ils alimentent.

Au-delà, ce sont des modèles d¹activité entiers de politiques publiques qui sont à réinventer, comme l¹achat public ou l¹information géographique qui sont des problèmes de l¹heure.

En outre, l¹implantation du nouveau dispositif budgétaire disposé par la LOLF faisant obligation de l¹évaluation de la performance et de l¹impact des programmes, va imposer aux S.I. d¹être la couche technologique permettant le contrôle de gestion et l¹évaluation. Architecture S.I. et architecture des programmes vont être étroitement liés : les architectures S.I vont devoir dessiner les périmètres virtuels des politiques. Des« intranets de politique publique », reliant administration centrale, établissements publics et autres acteurs intervenant dans son champ, devront permettre de concevoir des organisations virtuelles adaptées à l¹évaluation et au pilotage des politiques.

Lorsque les lois sur la sécurité intérieure et sur l¹organisation de la justice imposent une évaluation annuelle de leur impact, cela veut dire mettre en ¦uvre les S.I qui correspondent au périmètre de ces politiques, qui vont bien au delà des programmes définis par la LOLF.

Si l¹administration a un retard, c¹est sans doute dans ces compétences de concepteurs de nouveaux systèmes et de maîtrise d¹ouvrage stratégique de projet technologique.

Cette compétence doit se développer dans deux directions : un renforcement de la couche basse technologique, qui doit se traduire par une parfaite connaissance de l¹offre et du marché et une compétence d¹acheteur. Elle doit reposer sur l¹intégration de compétences, ce qui pose la question de l¹intégration dans l¹administration de compétences clés en technologie, problème qui ne peut être résolus, bien au contraire, par « l¹outsourcing ».

Ensuite, une compétence métier qui doit permettre aux fonctions S.I. d¹être tournées vers les besoins de reconfiguration des activités clés de l¹administration et de s¹exprimer dans un langage compréhensible par les directions centrales qui, dans la plupart des cas, ne comprennent pas leur nécessaire implication dans la maîtrise d¹ouvrage et les enjeux stratégiques liés aux S.I.

Dans ces domaines, l¹apprentissage par essais et erreurs est incontournable avec son lot de projets ratés. Mais il n¹en est que d¹autant plus nécessaire de mutualiser les expériences, en interne d¹abord, par le développement du retour d¹expérience, pour éviter que les mêmes erreurs se répètent ministères par ministères, et en externe en intégrant les communautés de pratiques que constituent, entre autres, le CIGREF pour la fonction S.I. (qui regroupe 115 grandes entreprises françaises dont les SPM via ATICA) ou l¹AFIS [3] .

Dès lors, les relations avec les fournisseurs peuvent être gérées sans complaisance ni condescendance comme des relations de complémentarité, voire de partenariat autour d¹opérations conjointes assurant le transfert de technologie vers l¹administration, par exemple, au travers de la création de GIP. Ils s¹en trouveront dispensés de produire des « livres blancs » qui, par leur légèreté, reflètent la piètre idée qu¹ils se font de leur client et, par là, d¹eux-mêmes.

 

 

Claude ROCHET

Chargé de mission à la délégation à la réforme de l¹Etat

Professeur associé à l'Université de Villetaneuse

c.rochet@dire.pm.gouv.fr



[1] http://www.eds.com

[2] Sur le concept d¹urbanisation des S.I, voir http://www.sysoft-sa.com/fr/amarco/urbanisme.htm

[3] Association Française d¹Ingénierie Système, http://www.afis.fr Créée en 1999 par 13 grandes entreprises françaises, l'AFIS est composée de Membres (entreprises et/ou organismes publics) et d'Adhérents individuels



NOTES :

 

[a] Sur la relation entre les investissements informatiques et la croissance de la productivité, voir les articles de Robert Gordon « Technology and Economic Performance in the American Economy », Stephen D. Oliner and Daniel E. Sichel, « The Resurgence of Growth in the Late 1990s: Is Information Technology the Story? », ainsi que  F. Lequiller « Nouvelle économie et mesure de la croissance »

[b] World Economic Outlook - The Information Technology Revolution, October 2001

[c] Sur la comparaison entre les révolutions industrielles, « As Time Goes by » From the industrial revolution to the information revolution » Chris Freeman &L. Louça, Oxford, 2002

[d] Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises, http://www.cigref.fr; Jean-Pierre Corniou « La société de la connaissance », Hermès 2002.

[e]  op. cit. p. 166

[f] Claude Rochet « La maîtrise d¹ouvrage des projets complexes : le cas des ERP », 1998  http://perso.wanadoo.fr/padimel@nospam.com/pdf/defmouvstragene.PDF