.Créé le 14/12/1997
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Extraits de
"Managez vos associations"
- Calmann-Levy -1992 -
par Claude ROCHET
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Avertissement : Ce livre a permis à de nombreuses associations de réfléchir à la complexité de leur mission, de repenser leur raison d'être et, par là, leur organisation et leur efficacité. Il mériterait aujourd'hui d'être enrichi:
Malgré l'évolution défavorable des temps, la vie associative reste un recours incontournable aux déréglements croissants de la société dite "post moderne". Ce livre reste une excellente lecture, fort lucrative, pour tous les mangers d'organismes à but non-lucratifs!
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PLAN :
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B- Une bombe à retardement
Il est courant d'entendre des lamentations sur le déclin de la vie associative en France, la montée de l'individualisme, le déclin des valeurs collectives, et de conclure que la perspective est sombre pour l'association. C'est là commettre une grosse erreur qui provient d'une cécité devant l'évolution historique.Tout d'abord la vie associative est peu développée en France si on la compare aux pays de démocratie décentralisée comme les États-Unis ou la Belgique, où plus de la moitié des citoyens ont des responsabilités associatives. On ne connaît pas le nombre exact d'associations vivantes car il n'existe nulle obligation d'en déclarer la mort Disons que que sur les 600.000 existantes, touchant 32 % de la population, 150 à 200 000 ont une activité réelle, et qu'il s'en crée autour de 50 000 nouvelles par an . Retirons-en le bloc des associations sportives dont les adhérents ne le sont bien souvent que pour obtenir licence et assurance, le secteur associatif pur ne concerne qu'une partie très réduite des citoyens.
Ensuite, il est vrai que certaines associations connaissent des difficultés, mais un tel constat concerne surtout celles du premier âge de la vie associative, généralement de très grandes associations qui tels les "mammouths" en leur temps moururent faute de s'adapter au réchauffement de la planète, ne s'adaptent pas à la nouvelle conjoncture. Ce premier âge a correspondu à l'économie de production de masse où pour fuir l'anonymat des grandes structures l'individu cherchait à se regrouper pour organiser sa défense et conquérir des espaces nouveaux de libertés: loisirs, culture, santé... Ce premier âge associatif a voisiné avec l'essor du syndicalisme, tantôt en le précédant - les associations de fonctionnaires ont été la seule forme d'organisation qui leur ait été ouverte avant la reconnaissance du droit syndical en 1945 - tantôt en en étant le prolongement comme le tourisme social qui s'est bâti avec les fonds des comités d'entreprise.
Cette forme d'association traverse la même crise que toutes les organisations représentatives. La société change, l'association aussi.
La société dans laquelle nous entrons - celle du XXI° siècle, qui se met en place avec le retour à la prospérité économique de la fin des années 80 - ne sera plus fondée sur l'individu atomisé, écrasé par la machine (qu'immortalise Chaplin dans les "Temps modernes"), exploité, voyant son intérêt moral, matériel, sa santé, son développement personnel, irrémédiablement opposés à la prospérité de l'économie, et ce dans les sociétés capitalistes comme, finalement encore plus , dans les sociétés socialistes.
L'individu ignorant et isolé décrit par Karl Marx au XIX° siècle fait place à l'individu savant et coopérant d'une économie hautement compétitive d'où la classe ouvrière aura quasiment disparu. Cette société du savoir, que décrivent Peter Drucker et Alvin Toffler :, haut niveau d'éducation des élites, dépendance beaucoup plus faible de l'entreprise qui tend à ne devenir qu'un lieu comme un autre d'épanouissement des compétences, possibilité de carrières successives, mais aussi un fossé beaucoup plus grand entre "gagnants" et "perdants", va offrir des possibilités de développement encore jamais vues à la vie associative dont le second âge s'ouvre à nous :
Une demande plus complexe, une offre riche par sa compétence, des effets accrus par le management, la vie associative va changer ! -
La demande :
- Le travailleur du savoir sera un gourmand de vie associative. C'est un homme complet, un individu rendu libre parce qu'il sait qu'il transporte son capital le plus précieux avec lui: son savoir. Il choisit son entreprise plus qu'elle ne le choisit. Il sait que ses compétences sont éphémères et que sa véritable force, au delà de son diplôme qui reste l'incontournable clé d'entrée sur le marché du travail, c'est d'avoir appris à apprendre, c'est de se former pour adapter en permanence son savoir-faire à l'évolution de plus en plus rapide des marchés et des technologies. La compétence devient un enjeu en soi, le travail est surtout un jeu qui le valorise et l'entreprise n'en est plus que le terrain. Ses champs d'intérêt sont donc très divers et il saura aussi bien se consacrer au développement des aciers spéciaux dans les boites de vitesse qu'à la gestion d'un club de voile. Il sait que son efficacité n'est pas seulement due à ses performances personnelles, mais surtout à sa capacité à travailler en équipe, à organiser son propre travail, à évaluer et gérer son apport à la société : il construit sa vie plus qu'il ne la gagne et sait faire servir l'organisation à la réalisation de ses ambitions.
L'association peut être pour lui un nouveau terrain d'expérience et d'innovation dans lequel il puisera idées nouvelles et régénération personnelle. La richesse du tissu associatif deviendra un critère de choix de sa résidence comme la présence d'une école, d'un centre culturel ou d'un équipement de loisirs.
- Les exclus de la société du savoir, qu'il soient insuffisamment qualifiés ou qu'ils soient en dehors du marché du travail par cumul des handicaps, constitueront paradoxalement l'autre pan de la demande associative. On trouve dans cette catégorie des représentants de l'ancienne classe ouvrière en déclin qui n'aura pas pris à temps le chemin de la reconversion comme les exclus du quart-monde dont l'intégration est tributaire de dispositifs spécifiques que les grands systèmes publiques se révèlent incapables de produire. L'héritier de la grande industrie qui sera resté sur un savoir parcellaire et figé, qui n'aura pas appris à apprendre, s'exclut par lui-même du mouvement de la société et des métiers. Il s'affirme de plus en plus un seuil minimum de savoir en deça duquel se produit le décrochement social et professionnel. Le progrès d'une économie fondée sur les technologies de pointe est tributaire d'une politique de développement des ressources humaines qui sera la seule voie désormais ouverte à la mobilité sociale. Le XXI° siècle rejetera le "self-made man" sans diplôme parvenu au seul prix de son énergie. L'obstacle de la formation est incontournable : aux organisations professionnelles, à la société civile de rechercher les modalités de formation adaptées aux spécificités de chaque culture ou de chaque handicap.
- La compétitivité d'une économie n'est plus aujourd'hui seulement celle de ses entreprises, mais la compétitivité globale de son système social. Entre la France qui gagne et la France qui perd, il n'est pas envisageable de laisser s'élargir un précipice qui serait la tombe de la démocratie. Une société ne se nourrit pas seulement de résultats d'entreprises performantes mais des valeurs qui la soudent, lui donnent ses ambitions et sa raison de vivre. Nous sommes entrés dans un monde de compétition, de progrès et d'évolution continus des marchés, d'obsolescence rapide des outils de production et des connaissances. L'ouverture des frontières, l'internationalisation de l'économie, imposent une capacité d'adaptation au changement permanent, au dialogue entre les cultures, soumettent la société à des tensions accrues. Le changement va aller de plus en plus vite et la société aura de plus en plus besoin de cohésion. La vie associative peut être ce lieu d'apprentissage de nouvelles formes de coopération, de création de nouvelles valeurs collectives et d'art de vivre en société qui sont la clé de la compétitivité de l'entreprise France.
Le reaganisme aux Etats-Unis a sonné le glas des idéologies qui tout au long du XX° siècle ont entendu plier le corps social à leurs dogmes en opposant tour à tour le politique, l'économique ou le social: l'un ne pouvait gagner que s'il soumettait l'autre . Le XXI° siècle sera celui de la synthèse : la compétitivité économique sera inenvisageable sans cohésion sociale. Aucun grand mythe politique ne verra plus le jour sans une capacité à entrer en symbiose avec la société civile. Un rapport établi par l'université de Columbia (2) dresse le bilan des années Reagan: ruine du système éducatif, du système de santé, défaillance de tous les systèmes de régulation publics entraînant une inflation des litiges et des procédures, une pauvreté structurelle renforcée par la drogue et la criminalité. Pour les auteurs, l'issue ne peut être que dans une complémentarité de l'intérêt public et de l'intérêt privé, de l'économique et du social, d'un meilleur management de la société américaine dans son ensemble . L'explosion du tiers-secteur (l'ensemble des organismes à but non-lucratif) aux Etats-Unis est une première réponse à ce défi. (Note de 1998)
sera assurée par la formidable disponibilité en matière grise de la société du savoir. En économie productiviste, un ouvrier à 50 ans était épuisé et considéré comme ne pouvant plus que reproduire les tâches initialement apprises. Un cadre se pressait comme un citron et arrivait vidé à l'âge de la retraite. Le savoir devenu le capital principal, il s'entretient et offre de nouvelles possibilités de développement de carrière à tous âges. Les aléas de conjoncture, les défaillances d'entreprise, les nécessaires compressions de coûts de structure, mettent précocement en préretraite des éléments parfaitement opérationnels désireux de continuer à développer leurs compétences dans ce nouveau domaine qu'est pour eux l'intérêt général. Les exemples abondent aujourd'hui de préretraités de 55 ans qui se lancent dans la création d'une entreprise ou dans une nouvelle carrière. D'autres plus soucieux de donner un sens social à leur existence s'engage dans le mouvement associatif. Le mouvement EGEE (entente entre les générations pour l'économie et l'emploi) s'est ainsi développé à partir de cadres pré-retraités et a permis de mailler le territoire d'un réseau de soutien aux créateurs d'entreprises. L'entreprise ne consommera pas toute la matière grise disponible: aux associations d'en profiter!
Aux Etats-unis, la fin des années Reagan a vu un progrès considérable de la productivité des organismes à but non-lucratif, en réaction au déclin de la capacité de régulation des institutions publiques et aux gigantesques problèmes de cohésion sociale qui en résultent. A un volume constant de dons volontaires beaucoup d'organisations arrivent à un bien meilleur résultat. Les girls scouts ont ainsi pris en compte les aspirations des femmes à une vie professionnelle et ont pu s'ouvrir aux femmes des minorités de couleurs en leur offrant les services jusque là réservés à la majorité blanche. "Les girls scouts of USA a réussi à garder ses 3,5 millions d'adhérents bien que la population d'âge scolaire ait baissé de 20% de 1978 à 1988 : elle a donc sensiblement accru sa part de marché".
En matière d'aide au développement la contribution des ONG est croissante : " En 1983, les ONG des pays industrialisés ont accordé aux pays en voie de développement environ 3,6 milliards de dollars de dons (soit 13% du montant de l'aide officielle), la plus grande partie de ces dons étant collectés par leurs soins. En 1987, elles fournissaient quelque 5,5 milliards de dollars - soit près de 1 milliard de plus que les crédits de l'association internationale pour le développement"
A l'approche caritative se substitue l'approche managériale qui invite chaque dirigeant à se poser la question de la rentabilité sociale de ses actions: quel est mon objectif, comment et avec quel moyen puis-je l'atteindre, quel niveau de performance puis-je escompter, les moyens mobilisés (collecte de dons, bénévolat) sont-ils en rapport avec les résultats obtenus...? Le management permet de définir une vision stratégique autour de laquelle s'organise la cohérence de l'organisation, la mission et le niveau de performance de chaque responsable et de mieux gérer le bénévolat qui n'est, moins que jamais, un droit à l'incompétence. A la notion de bénévole se substitue celle de professionnel non rémunéré.
Plus complexe par sa nature même que l'entreprise, l'association devient le terrain des pionniers et des innovateurs, et anticipe le management de demain.
Aux Etats-Unis, le secteur non-lucratif - qui est le premier employeur avec l'équivalent de 10 millions d'emplois à plein temps - devient une véritable école de management pour le monde des affaires. Peter Drucker souligne qu'elles savent faire ce que ne savent pas faire les entreprises, empoisonnées par le dogme du profit à court terme : " les OBNL (organismes à but non lucratif) partent de l'environnement, de la communauté, du client; elles ne partent pas, comme on a tendance à le faire dans les sociétés américaines, de l'intérieur, soit de l'organisation et de la rentabilité financière". Au sein de ce secteur se forme un management qui choisit ses indicateurs de performance en dehors de l'organisation, qui sait définir des objectifs à moyen terme : le nombre d'alcooliques, de délinquants récidivistes diminue-t-il? L'armée du salut est devenue un modèle d'organisation où une équipe exécutive est responsable de l'accomplissement d'objectifs clairement définis par un bureau directorial. Le tiers secteur devient le lieu d'apprentissage du dialogue entre l'économie du quotidien et les objectifs immatériels des missions sociales des entreprises. L'entreprise citoyenne de demain se construit au travers des expériences de management menées dans les organisations de scouts!
La société est un train dont la locomotive sera de plus en plus moderne et ira de plus en plus vite car elle sera l'objet de toutes les sollicitudes. Cela est normal et nécessaire car le TGV d'aujourd'hui est le tortillard de demain. Mais on ne roulera pas à 500 Kmh avec un wagon de queue brinqueballant. Si tous les pays seront à terme capables de construire la locomotive, on jugera de leur compétitivité à la capacité à assurer la cohésion du train : l'URSS a su fabriquer des fusées interplanétaires mais n'a pas su ravitailler les boulangeries. Il est paradoxal que la France soit traversée par des tentations totalitaires qui remettent en cause les fondements mêmes de la tradition républicaine alors que notre économie dégage des pôles de compétitivité qui la mettent dans le peloton de tête des nations industrielles. Le XX° siècle avait vu se développer de tels mouvement en périodes de crise, crise économique et crise des valeurs unificatrices de la Nation allant de pair. Au XXI° siècle tout change : la compétitivité est fonction de la stabilité sociale qui seule permet une reproduction harmonieuse et performante de ce capital essentiel qu'est le savoir.
Le progrès reste porteur de destabilisation sociale avec son cortège de tentations totalitaires. Ainsi, nous dit Alvin Toffler :
"...Le Dr William Tafoya, un des grands experts du FBI en matière de prévision, assure que dans les dix prochaines années, l'aggravation du malaise social s'accompagnera d'une prolifération de groupes inspirés par la haine (...) Dénonçant le chômage, la misère, la situation des sans-abri et l'analphabétisme comme les grandes sources du malaise social, Tafoya a calculé la fréquence croissante des crimes, émeutes et agressions liés au racisme; il en conclut que l'encadrement destiné à assurer la justice sociale n'est plus actuellement que "paille sèche", et qu'il suffirait d'une étincelle pour y mettre le feu (...) Restant attachés à une conception dépassée du progrès, beaucoup d'occidentaux présupposent que les idéologies fanatiques, irrationnelles et fauteuses de haine, disparaîtront de la surface de la terre à mesure que les sociétés deviendront plus "civilisées" (...) L'émergence d'une économie neuve et telle que le monde n'en a jamais connue, qui exige de rapides changements dans les modes de travail, les styles de vie et les habitudes, paraît redoutable à beaucoup. Terrifiés par l'avenir, des populations importantes cherchent leur salut dans les spasmes et les excès d'une réaction sans compromis. La mutation ouvre des failles par où les fanatiques se précipitent, elle donne des armes à toutes ces minorités dangereuses qui ne vivent que pour la crise, dans l'espoir qu'elle leur permettra de s'élancer sur la scène nationale ou mondiale - et de nous ramener tous aux noires périodes du Moyen-Age." (référence)
Tout comme une entreprise, une nation doit se développer sur trois axes. Cette règle n'a rien de nouveau puisqu'elle a été définie il y a quinze siècles par Saint Benoît qui soulignait que le progrès d'une communauté était tributaire d'un cadre physique - le monastère - porteur de son identité et assurant sa subsistance économique, d'un abbé qui en est le chef et a la mission de la guider vers l'accomplissement de son projet, et d'une règle - les choses qui se font et ne se font pas - porteuse du sens de la vie de la communauté, qui régit les rapports des membres entre eux, organise sa cohésion, lui permettant par là d'atteindre les objectifs spirituels et matériels qui la sous-tendent.
La France a aujourd'hui restauré les murs : le monastère est en bon état, les entreprises tournent bien. Mais les institutions publiques ne sont plus capables de délivrer de grands messages unifiant les citoyens comme a pu le faire l'école de la III° République autour de la mythologie républicaine. Liberté, égalité, fraternité n'ont sans doute jamais été aussi nécessaires ni actuels, mais c'est le management public qui pêche et n'est plus capable de souder les citoyens par une vision unificatrice. La société française manque de projet et il y a danger car le ventre est encore fécond qui engendra la bête immonde : il faut donner du sens à notre performance!
Quand à la règle du jeu, bien peu de choses ont changé depuis que le général de Gaulle a décrit à Bayeux en 1946 la propension de notre vieux peuple gaulois aux querelles intestines. Nous devons apprendre à travailler ensemble autour d'un projet ambitieux qui donne du sens à notre vie, à confronter nos points de vue différents comme autant de richesses contribuant au bien commun et non comme des prétextes à des guerres de religion destructrices.
Le Japon au sortir de la guerre était ruiné, l'empereur incarnant l'unité et la pérennité de la nation n'échappa au procès pour crime de guerre que par la bienveillance du vainqueur. Mais il lui restait sa cohésion et il a su en faire le capital qui lui a permis de progresser sur l'axe économique.
Chaque économie s'appréciera de plus en plus par son point faible : les mouroirs de Calcutta font oublier que l'Inde pourrait être une grande puissance industrielle. Le quart-monde croissant au coeur de New-York éclipse les boeing de Seattle, et les exclus de la prospérité sont une épine dans le pied de la France qui gagne.
Une société, comme tout système, ne vaut en fin de compte que ce que vaut le plus faible de ses éléments : c'est par la manière de traiter ses pauvres, ses illettrés, ses malades, de faire progresser le niveau général d'éducation et non pas seulement celui des élites , que l'on distinguera les sociétés compétitives de celles qui ne le sont pas.
C'est désormais le social qui entraîne l'économique, contrairement aux crédos économistes et marxisants qui ont imprégnés l'intelligentsia du XX° siècle. Le plus grand bouleversement de la société française d'après-guerre, la modernisation de l'agriculture, est venu de l'action d' éducation populaire menée par la JAC (jeunesse agricole chrétienne) qui a aboutit à la mise en place de structures de coopération à la base de la gestion d'exploitations modernes que nul n'aurait imaginé au sortir de la guerre .
Reconnaissons à Louis XVI cette intuition : en jouant au serrurier n'avait-il pas la perception que le management d'une société est comme une mécanique complexe faite de cinématique, de mécanismes bien huilés, de pièces finement travaillées, mais que tout peut échouer par défaillance de la pièce la plus vulgaire, la plus grossière, la clé en définitive de l'ouverture: le penne.
La cohésion du système social : le modèle tri-dimensionnel
(...)
La compétitivité globale d'une société est d'abord celle de son économie : c'est ce qui fait la solidité de la maison et assure sa subsistance. Mais elle a également besoin de valeurs spirituelles qui définissent ses aspirations, ses ambitions, les objectifs qu'elle peut se fixer et autour desquels se mobiliseront les membres de la communauté, les atouts - on se sait pas tout faire et il faut chercher à se différencier des autres en faisant ce en quoi on est les meilleurs - et le style, la culture qui nous imprègne : nous ne sommes ni des japonais ni des allemands et devons trouver notre voie propre. Les membres de la communauté travaillent ensemble grâce à une règle commune porteuse des valeurs de la communauté et qui assure la formation et la coopération et donne à chacun le moyen de s'épanouir individuellement et socialement. Que cette règle du jeu soit déficiente, qu'elle ne recueille pas l'adhésion de l'ensemble de la communauté, qu'elle ne soit plus porteuse de sens, de valeurs partagées, et celle-ci est menacée d'implosion. Le système est donc l'interaction mutuelle d'éléments matériels et immatériels.
Qui donc a dit que l'association n'avait pas sa part dans ce projet! Véritable entreprise de cohésion sociale jouant sur les éléments les plus subtiles, les plus passionnels et les plus fondamentaux de la nature humaine, dialogue permanent entre le rêve et la réalité, elle requiert le développement d'un management spécifique à la hauteur de ses ambitions.
L'observation de la vie d'un monastère bénédictin illustre la plupart des principes de management qui seront développés dans cet ouvrage :
- la communauté se regroupe autour d'un projet précis : le combat spirituel vers une vue optimiste de l'homme transcendé par Dieu;
- elle a des valeurs, par définition éternelles, puisque ce sont celles de l'Evangile;
- elle a un manager, le Père Abbé, qui est le garant des objectifs de la communauté et de son style de vie. Il a une double mission : assurer la cohésion de la communauté et sa bonne gestion matérielle afin de dégager l'individu des contraintes et lui permettre de se consacrer à son projet spirituel, et soutenir chaque membre dans son projet personnel pour qu'il trouve sa voie propre dans le projet commun.
- elle est régie par une règle qui est un soutien pour celui qui s'engage dans le projet monastique. Elle définit les compétences de l'Abbé, en limitant ses pouvoirs à l'application stricte de la loi divine pour éviter tout pouvoir personnel, et établit les valeurs partagées et la loi commune.
- elle a une identité forte : un lieu chargé de symboles, chaque monastère ayant son histoire et sa spécificité.
- elle est économiquement performante : l'activité lucrative est un moyen de poursuite du projet en libérant les moines des contraintes temporelles et s'appuie sur une stratégie marketing efficace : très forte différenciation des produits, qualité et image de marque. Les monastères sont aujourd'hui des PME très bien gérées.
- elle pratique le management de la qualité : "...veillant beaucoup à ce que l'institution, la structure, soit au service de la personne...pour éviter que la personne ne soit d'abord au service de la structure..." . Son organisation est centrée sur la réalisation du projet, Saint Benoît "...soulève tout cela jusqu'au monde spirituel, en arrachant à la terre ce qui est de la terre et en lui donnant le sceau de la consécration divine " . L'organisation est souple : elle a peu de niveaux hiérarchiques (entre trois et cinq, alors que les entreprises performantes arrivent difficilement à descendre au dessous de dix) et pratique la rotation de chacun dans les fonctions contribuant à abattre les cloisonnements.
- elle a une communication active... tout en ne disant rien : les moines ne parlent pas mais on parle d'eux, ils sont accueillants, participent à l'animation de la cité, animent un réseau de leaders d'opinions dans le monde culturel et spirituel.
Ce modèle du genre est-il transposable? A chacun d'y méditer...mais ça fait quinze siècles que ça marche...!
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